«L'Algérie ne risque rien», c'est en substance le contenu du communiqué
de presse du ministère de l'Agriculture et du Développement rural qui a tenu à
rassurer sur un quelconque danger que pourrait courir le pays face à une
invasion «annoncée» de criquets pèlerins venant du Mali et du Niger.
Il faut dire que les prévisions et surtout les mises en garde de l'Organisation
des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) avaient de quoi
susciter les craintes les plus légitimes surtout à l'aune de l'historique du
Sud algérien en matière d'invasion acridienne. La semaine dernière, les
premiers essaims de criquets pèlerins ont été aperçus à Adrar, première grande
concentration urbaine après le Nord- Mali. Après avoir survolé la ville, les
groupes de criquets pèlerins se sont ensuite dirigés vers les oasis et les
plantations agricoles. Selon des témoins, les criquets ont même approché
Zaouiet Kounta, une région où se pratiquent les cultures maraîchères sur de
grandes surfaces, particulièrement la tomate. A propos de cette région ainsi
que celle de Tin Zaouatine à Tamanrasset, le communiqué du ministère de
l'Agriculture affirme que les équipes d'intervention et de lutte antiacridienne
ont traité respectivement 40 et 120 ha. «Le cumul des superficies traitées sur
d'ailés immatures solitaires dispersés, depuis le début d'octobre dernier est
de 650 ha», lit-on encore. Ces ailés, des petits criquets n'ayant pas encore
atteint l'âge adulte, sont dispersés actuellement sur de grandes surfaces dans
les wilayas du grand Sud algérien. Venant de Mali et du Niger, leur arrivée a
été annoncée par la FAO dans un bulletin d'alerte publié le 13 novembre
dernier. Qualifiant la situation de «sérieuse», les experts onusiens
s'attendent à ce que «davantage de groupes et de petits essaims se forment au
Mali et au Niger et se déplacent vers l'Algérie, la Libye, le nord-ouest de la
Mauritanie et peut-être le Maroc dans les prochaines semaines». Serein, le
département de Rachid Benaïssa affirme que cette présence d'ailés «ne
représente pas de danger pour les cultures existantes au niveau de ces zones».
Pourtant, tout danger n'est pas à écarter puisque «des traitements adéquats
sont appliqués pour éviter à ce que ces ailés immatures solitaires ne forment
des essaims». Et tant que ce stade de développement du criquet n'est pas
atteint, la situation reste maîtrisée selon toujours les rédacteurs du
communiqué. Ces derniers soulignent que les 14 équipes de prospection et
d'intervention, dont 11 terrestres et 3 aériennes, ont signalé une présence
acridienne qualifiée de «faible» dans les wilayas de Tamanrasset, Illizi,
Tindouf et Adrar et que ces incursions pourraient probablement se poursuivre,
«ce qui est normal pour la saison». Dans un premier temps et pour répondre aux
bulletins alarmistes de la FAO, l'Algérie s'est dite préparée à mobiliser
d'importants moyens matériels et logistiques lui permettant de faire face à une
éventuelle invasion de criquets quelle que soit son ampleur. Lors d'une réunion
du Comité interministériel de lutte antiacridienne (CILA), la quatrième du
genre depuis juin, présidée par le ministre de l'Agriculture et du
Développement rural, le directeur de l'Institut national de protection des
végétaux (INPV) avait rassuré sur les capacités de défense mises en place par
l'Algérie. En plus du soutien qu'elle apporte aux pays voisins notamment le
Mali et le Niger, l'Algérie a activé son dispositif de prévention et de lutte
en cas d'invasion. Le Tchad et la Mauritanie ont déjà procédé à des
traitements, respectivement plus de 2.300 hectares et 2.130 ha mais la grande
inconnue reste le Mali. Dans certaines zones infestées, les larves se
reproduisent en l'absence d'opérations de traitement rendues impossibles à
cause de la situation sécuritaire qui prévaut dans la région. Mais un deuxième
front de lutte se prépare actuellement contre une éventuelle invasion au
printemps prochain, laquelle sera favorisée par le dessèchement de la
végétation actuelle au niveau du Sahel. «Les moyens financiers et le matériel
logistique sont en place», a indiqué M. Benaïssa, en appelant toutes les
parties concernées à «ne pas baisser le degré de vigilance». L'INPV dispose de
223 unités de traitement à travers tout le pays en plus des quantités
«suffisantes», estimées à près de 5 millions de litres de pesticides, dont
disposent les wilayas du pays. Pour informations, les essaims regroupant des
dizaines de millions d'ailés peuvent parcourir 150 km par jour en profitant des
courants. Les femelles peuvent pondre 300 œufs durant leur existence, et un
criquet pèlerin adulte peut consommer son propre poids en nourriture fraîche
par jour, soit environ deux grammes. Un essaim minuscule mange plus ou moins la
même quantité de nourriture en un jour que 35.000 personnes. La dernière grande
invasion de criquets pèlerins au Sahel et au Maghreb avait été enregistrée en
2003-2004 où plus de 65.000 km² de cultures, plantes, et herbes sauvages
avaient disparus après leur passage.