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Les urnes et les autres

par Mohamed Ghriss

Démarrant timidement, la campagne électorale postulant aux APC et APW le 29 novembre prochain, poursuit son bonhomme de chemin avec ? on l'aura remarqué- un lifting publicitaire des candidatures exposées nettement plus soigné que lors des précédents scrutins locaux.

Les habituelles formations politiques telles que le FLN, le RND, le MSP, le FNA, et même certains nouveaux Partis, ont visiblement mis le paquet pour veiller sur une présentation de choix de leurs représentants splendidement affichés, au point de leur donner un air de vedettes, pourrait-on dire. Les agences de Pub aguerries et certains de leurs conseillers techniques étant passés par là, inspirés notamment par ce qui se fait ailleurs, en Occident, lors des joutes électorales des différents Partis en lice recourant aux rôles importants de l'impact de l'image dans ce contexte. Tel que vulgarisé, depuis belle lurette, par les spécialistes en la matière, entre autres, Roland Barthes, Umberto Eco, etc.

Cependant, si les animateurs des divers Partis politiques en Algérie semblent avoir consenti davantage d'efforts qu'auparavant, au rôle éminemment attractif de l'image dans l'opération de séduction des électeurs potentiels, en ce qui concerne ces derniers, ils paraissent vraisemblablement pour leur plupart ? en dépit des affiches relativement attrayantes sollicitant véhément leurs regards - pas tellement attirés par ces mille et un visages de candidatures, dûment présentées et enjolivées dans l'ensemble pour briguer avec fière allure les locales . Et pour cause ! Il est aisé de constater que par les temps qui courent, beaucoup de citoyennes et citoyens paraissent accorder peu de crédit au scrutin du 29 novembre prochain, déçus par maintes expériences des échéances antérieures durant lesquelles des candidats avaient promis monts et merveilles à leurs électeurs mais ces derniers se sont finalement rendus compte que nombre d'élus se sont occupés surtout de leurs propres préoccupations et de celles leurs compères, ces souteneurs des coulisses qui ont de tout temps calculé leurs placements rapportant gros.

Bien évidemment, pareilles situations influent malheureusement sur les rares honnêtes candidats préoccupés plus par la gestion rationnelle des affaires de la cité , la prise en ligne de compte des préoccupations citoyennes et l'intérêt de la nation, en général, que le leur et celui de complices prédateurs guettant pareilles occasions pour s'assurer des dividendes. Ainsi dans nombre de communes du pays, principalement dans les régions méconnues, l'opinion publique ne cesse de faire écho de candidatures d'éléments contestés qui s'étaient pourtant rendus coupables de gestions anarchiques voire de graves affaires de corruption s'interrogeant comment pareils énergumènes s'arrangent-ils pour renouveler leurs mandats tant décriés par les populations locales ! Ce qui n'est assurément pas fait pour encourager les électeurs à aller voter massivement le 29 novembre prochain. Et compte tenu du climat général ambiant et des divers avis colportés ça et là, suggérant un possible indice ou échantillon estimatif du taux d'électorat national attendu, en quelque sorte, il est fort à parier que ce dernier sera assez faible, nettement en- dessous de celui des dernières législatives. Pour rappel, l'auteur de ces lignes avait avancé avec une certaine exactitude le taux d'électorat du dernier scrutin des députés comme il avait annoncé précocement sur ces mêmes colonnes du Quotidien d'Oran, analyses et arguments à l'appui et bien avant les évènements en Lybie et en Syrie, qu'il n'y aura pas de « printemps arabe » en Algérie (où le contexte sociopolitique ? historique diffère nettement de celui des milieux avoisinants). Et dans cette optique prévisionnelle, le taux des prochaines locales risque même d'être très bas, et pour qui s'en souviennent la relative hausse du taux d'électeurs lors des dernières législatives l'a été grâce à l'appel du Président de la République , surtout. Les votants ayant cru en l'amorce d'un important tournant dans l'histoire des institutions nationales, autrement dit, en la promesse de réformes profondes et dont on tarde, aujourd'hui, à en voir les contours. Et partant, les gens, les jeunes surtout, ayant de plus en plus ras le bol des élucubrations prometteuses de la « démocratie spécifique à l'algérienne », - image- photocopie inverse du « socialisme spécifique algérien » de naguère, - ne paraissent guère prêts à aller visiter les urnes le 29 novembre prochain. Et si l'on veut avoir une preuve de ce qui traduit ce désintéressement public aux prochaines locales, - nonobstant le nombre de gens y manifestant un intérêt mais qui paraissent pour le moment guère assez représentatifs- il n' ya qu'à considérer ces affiches arrachées, un peu partout. Des actes brutaux et inconvenables, naturellement, mais o combien significatifs de ce qui anime le for intérieur de pas mal de citoyens déçus par les sempiternels bricolages de nos politiques politiciennes.

Précédemment, a été évoqué ci-dessus combien de soins et d'efforts ont été consentis par diverses formations politiques dans la conception attentionnée des images représentatives de leur candidats potentiels, ce qui leur a couté certainement cher, notamment pour les modestes Partis. Mais les badauds n'en ont cure : affiches bien soignées ou pas, ils annoncent d'avance leurs choix par leur violent arrachage ou déchirement prompt, exprimant par là leur humeur agitée du moment. Le geste est inadmissible, convenons-en, car la tolérance vis-à-vis des idées d'autrui est indispensable et c'est faire acte de civisme que de respecter l'opinion opposée ou le droit à l'affichage représentatif des candidats en lice quels qu'ils soient. Et libre à quiconque, par la suite, de voter pour tel ou untel ou de s'en abstenir plutôt que de se livrer à de tels actes d'incivisme.

Cependant l'attention, du lecteur est attirée sur le fait que l'évocation de cette attitude répréhensible vise, en vérité, moins le citoyen lambda, qu'une certaine catégorie spéciale d'individus. L'on sait très bien que pareils actes d'arrachages d'affiches pourrait être le fait de jeunes infortunés désœuvrés s'adonnant à cœur joie à ce petit jeu ou simplement de bonhommes scandalisés par la représentativité choquante de photos de candidats assez connus pour leurs incapacités notoires ou tractations suspectes en tous genres. Ce n'est donc pas de ces catégories de déchireurs d'affiches dont il est principalement question ici, mais c'est d'une autre espèce d'énergumènes dont il s'agit. Ainsi ces témoins de visu qui rapportent que durant la nuit, surtout, des groupes d'individus, agissant à l'instigation de commanditaires occultes, sillonnent en véhicules divers quartiers et contrées de leurs cités et zones périphériques pour déchirer les affiches qu'ils veulent et laisser intactes celles de leurs protégés. Ce n'est ni plus ni moins qu'un lâche recours dont se rendent coupables certaines ouailles d'adversaires rivaux, cherchant à privilégier les représentations de leurs favoris sur le terrain en faisant faussement croire à l'opinion publique que telle et untelle ou tel et untel aux images bafouillées sont indésirables !

Cela est absolument inadmissible et indigne de la part de ces commanditaires occultes, et ce d'autant plus qu'ils donnent une image d'inquiétante intolérance caractérisant leurs formations politiques paraissant, dès lors, prêtes çà tout pour accéder aux loges du pouvoir. Donnant en quelque sorte, mille et une raisons pour que les citoyens ne votent justement pas en faveur de tels calculateurs songeant à faire le vide autour d'eux et qu'en sera-t-il demain, si jamais leurs représentants viennent à remporter les élections, d'une façon comme d'une autre? Et à ce propos, les services publics devraient veiller, naturellement, sur la non atteinte aux affiches de toutes les candidatures en lice ,sans exception, et si jamais de sinistres individus seraient pris en flagrant délit de détérioration des listes de candidats rivaux, - en agissant à l'instigation d'éléments appartenant à telle ou telle formation politique adverse,- beaucoup de citoyens consciencieux, soucieux d'éthique responsable, seraient d'accord pour que les représentants de telle ou telle formation aux éléments instigateurs reconnus coupables , avec preuves à l'appui, d'usage de rivalité illégale et d'intolérance caractéristique, soient aussitôt disqualifiés ! C'est le moins qu'on puise dire en pareille situation de concurrence déloyale alors que c'est aux urnes de trancher.

Ces dernières promettent d'être transparentes, laisse - t- on entendre sérieusement, mais là n'est pas la question pour cette fois. Car ce qui parait préoccupant actuellement, c'est le taux de participation à ce prochain scrutin qui risque d'être des plus bas connus jusqu'ici. Malgré que beaucoup de Partis y prennent part, et une fois n'est pas coutume, le FFS et le RCD y étant ensemble de la partie. Même certains petits Partis, montés de toutes pièces pour la circonstance y participent, au même titre que certains éléments- spécialistes accoutumés au « jeu des lièvres », comme au cross-country, (sorte d'opportunistes - « bataldjia » offrant leurs services, histoire d'amasser du fric en attendant d'autres futures alléchantes échéances). Mais le nombre participatif de ces formations politiques et des électeurs potentiels aguichés serait-il pour autant assez suffisant pour réaliser un taux de participation honorable ? C'est le doute qui plane là ?dessus pour le moment? à moins que l'électorat féminin, eu égard à son importante et exceptionnelle représentativité aux candidatures postulant aux locales par rapport aux participations fortement réduites des scrutins précédents, n'en vient à en décider autrement. ? C'est là un facteur à prendre en ligne de compte, mais même dans ce cas précis, le taux de participation attendu risque, très probablement, de ne point atteindre celui en-dessous de la barre des 45°/° enregistré lors des dernières législatives. Et rien n'y changera à cet état de fait, ni les assiettes de chaude « loubia » offertes aux ouailles, ni les «oua3da» de «Si Tratgui and Co», ni les propos mesurés des rares honnêtes postulants aux rennes des APC et APW : pou la simple raison que le fil entre gouvernants et gouvernés, entre élus et électeurs est rompu depuis belle lurette. Et il faudrait une sacrée transformation mentale des esprits pour pouvoir espérer rétablir, un jour, la confiance perdue entre citoyens et dirigeants. Et il parait que certains parmi les candidats potentiels aux locales, promettent justement de ramener ce climat de confiance qui manque tant actuellement, si jamais les électeurs leur feront confiance pour qu'ils puissent à leur tour faire régner l'ordre de la confiance en toute confiance ! Mais comment cela ? A l'ombre d'un système en lequel le peuple n'a pas du tout confiance ? Que l'on nous permette d'en douter, et ce n'est point notre faute si aujourd'hui on n'a pas du tout confiance. Pour cause de trop de défiance, justement. Quoi qu'il en soit, s'il existe quelques lueurs d'espoirs, il sied, bien sûr, de ne pas s'en détourner et quoi qu'il en soit, attendons l'issue du 29 novembre prochain pour se rendre à l'évidence. Pour le moment, contentons nous de scruter les horizons dans l'observation du « wait and see », pour considérer avec objectivité ce que demain accouchera comme éléments probants préludant aux ambitions présidentielles de 2014 en ligne de mire ?

(Auteur- journaliste indépendant)