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Une campagne moins agitée que les autres

par El Yazid Dib

J'avais pourtant décidé de ne pas mouiller mes mots à ces élections. J'avais aussi décidé de jurer de me taire. Certes je me suis tu jusqu'ici. Mais mes yeux, mon ouïe, tout mon être, provoqués à domicile n'ont pu laisser tranquille mon inspiration dormante. Je goule donc.

« Charbonnier et maitre chez soi » c'est ce qu'a dit Ouyahia dans sa virée dans le sétifois. « Électeur et maitre chez moi » aurais-je dis, à mon tour. C'est un peu ça qui m'a fait bouger pour me mettre au goût de la campagne, sinon tout est à l'heure de l'anxiété. Cette campagne n'a commencé que deux ou trois jours après son lancement. Ici dans ce bourg rendu pseudo-cosmopolite par l'effet visionnel d'arrivistes de toute part ; la vie du jour n'a plus la tête dans les listes. Non accrochées, de peur d'être cisaillées ; ces affiches que crève un visage patibulaire au regard voulu bon enfant, n'ont pu trois semaines après éveiller le moindre clic chez les spectateurs. Dans le grand boulevard, les quelques colonnes en métal servant à l'affichage électoral ; restent debout et impassibles devant les commentaires des uns et la diatribe des autres. Ah, si ces panneaux avaient des oreilles ! Ils iront raconter à ceux qui y sont pendus les différences d'avis et les plus aigres des médisances.

Beaucoup de gens, comme moi continuent à incarner le profil idéal de l'électeur indécis qui ne cherche qu'à être convaincu. La ville et ses murs sont moins salis que lors de la dernière élection. L'on n'aperçoit pas la sauvagerie dans le collage d'affiches. Celles-ci sont ordinaires et avec moins de luxe que ne l'étaient les précédentes. La pauvreté dans le sponsor se voit au grand jour. Le noir et blanc a remplacé les banners en couleur dimension grandeur nature. Seules quelques photos de candidats en mal de réclame gravitent autour des frontons de permanences indigentes. Les jeunes qui y assurent « la permanence » ne sont guère branchés. A l'une de nos interpellations sur les perspectives et enjeux d'une telle élection, un jeune trouvé, en compagnie de ses camarades, dans un garage garni d'affichettes s'est limité à nous dire s'occupant beaucoup plus de son oreillette de portable « on m'a dit reste ici, c'est tout » cinq minute plus tard il se confessera « oui, on me paye à la journée ». Jusqu'ici rien n'est étonnant, ni surprenant. Sauf que le jeune ne pense pas du tout aller voter. Même pour le parti qui l'emploie. « Je ne connais personne parmi les candidats?je n'ai aucun ami ici dans la liste, ni même un parent ou un voisin » termine-t-il ses aveux. . Il n'y a pas dans une seule permanence visitée, une personne qui aurait le sens de la conviction avec programme et argumentation en bout, face à des badauds, des curieux, ou des fervents sympathisants en quête de dissiper définitivement leur incertitude. Cependant certains partisans convaincus sont là en « permanence » sans être portés au vote. Il n'y aurait, en dehors de ces véritables militants avérés et certifiés, qu'une clique de passeurs de temps et aveuglement enthousiasmés. Un parti n'aurait pas besoin d'un trio de «zernadjia», trottoir pris pour scène et enquiquinant carrément dans leur indifférence les passants et les flâneurs. La traque des voix, suppose-t-on est ailleurs que dans l'ennui tapageur que provoquent de telles situations dignes d'une kermesse, d'un souk ou tout simplement d'un désordre?voulu comme çà.

Cette campagne aurait également confirmé la naissance d'une nouvelle caste de professionnels éphémères. Les petits bailleurs de locaux. Ceux-ci (locaux) se cèdent au plus offrant. Sans engagement, ni idéologie, se sont les seuls (bailleurs) qui ont compris le fonctionnement des bas étages du système hors des règles budgétaires de l'Etat. La démocratie naît dans des conditions propres ou bien, elle risque la contamination virale des mauvaises mœurs politiques. Mais la chose qui ne peut, aisément s'admettre c'est qu'il est aussi fait état de nouveaux adeptes, scribes, merveilleux politiciens et qui ne savent, harnais au cou ,œillère en bandeau qu'applaudir leur favori et insulter l'autre. Heureusement pour l'élite, les praticiens patentés de la politique et le pays que ces « occasionnels » ne sont là épisodiques ; que le temps que dure une campagne. Ils réintégreront leur dénuement spirituel et leur infortune habituelle. La politique peut parfois revêtir le caractère intrinsèque d'un véritable métier. Dans la politique subsistent deux acteurs essentiels : les producteurs et les consommateurs. Que chacun produit selon ses capacités Que chacun consomme selon ses besoins.

Ces élections n'auront pas en finalité à changer le mode de vie des algériens. L'habitude électoraliste ne les tient plus en haleine. Exception faite cependant pour ceux qui continuent à en faire une fonction voire un métier. Etre candidat, pour certains, s'assimile à une requête de poste. Pour d'autre ce n'est qu'un challenge personnel. Une certaine expression d'avantages et de privilèges. Malgré les remous, les dissidences, les scandales, les mises sous contrôle judiciaire?certains s'acharnent non seulement à se faire reporter sur des listes, à retenter leurs chances, ou à récidiver leur mauvaise expérience mais encore anticipent à crier leur succès et promettent (encore) de tenir leurs promesses. Pour les nouveaux candidats partis en campagne, notamment ceux intrus, repêchés du dernier quart d'heure ; ils veulent exceller dans la description de l'état des lieux. L'un d'eux, voulant se faire voir ne manque aucune occasion pour décrier la gestion communale précédente. Oubliant du coup que son parti était partie prenante dans celle-ci. Même minoritaire. Donc co-gestionnaire et co-responsable. Si ce n'est la hardiesse d'un Ouyahia prudent et acharné défenseur de ses acquis, le candidat aurait mis en cause tout le pays. Tous ses maires. Ses ministres et ses premiers ministres. Un peu de salubrité mentale svp ! L'Algérie en cinquante ans d'indépendance a bien construit des écoles, des routes et autres immenses et salutaires infrastructures. Balayer comme ça d'un revers de main toutes ces réalisations, croyant faire tord à un mandat forclos ; n'est qu'un délire électoral. Bien au contraire comme l'avait affirmé le sieur Ouyahia à Sétif ; « il faut positiver le discours » il n'a pas manqué de rappeler qu'il fut un temps où le FMI nous dictait ses instructions pour une bagatelle de dollars empruntés, « maintenant soyez fiers ! C'est l'Algérie qui est courtisée par le FMI pour quelques millions de dollars » ainsi devant cet écart de compréhension, que le patron du RND excuse le chroniqueur de vouloir lui redire ; que si le RND a une bonne tête, les membres, certains sont frappés d'atrophie fonctionnelle. Accorder les violons, la symphonie ne sera que séraphine.

La convoitise des prochaines élections n'a pas cessé d'accoucher des fantasmes à tous les niveaux. La galanterie et l'apparence de civilisation qu'offre le ticket de l'estafette électorale a troublé les fêtes et détourner les têtes. Dans un p'tit village des hauts plateaux, les candidats sont de loin visibles. La cravate ici et en ces jours est un badge de candidature. L'ambition est matériellement affichée. Dans un autre, tout le monde pense pouvoir incarner le personnage du maire, du député ou du sénateur. Les élections sont ainsi à percevoir telle une voie apparemment plus aisée que celle qu'empruntent les grands commis de l'Etat. Lorsque l'on est dépourvu des attributs pouvant permettre de se coller ou d'être dans le sérail des seigneurs intellectuels mais malheureux, l'on se rabat sans scrupule, vers la voie de la cooptation et du parrainage ; s'estimant de la sorte être des seigneurs tous heureux. Finalement, comme la nature, la démocratie ne peut avoir uniquement des vertus. Elle peut aussi, sinon elle produit également des excrétions.

En fait le suffrage n'est qu'une étape. Et non un test. Et si par bonheur le poste de maire, par exemple serait mis en compétition. Où un certain niveau de pratique, de gestion, de contrôle et d'animation serait à exiger de tout candidat. Loin des dispositions du code communal ; le maire est censé gérer. D'abord une ville, une population puis une politique et un programme. Il ne devra pas être un chercheur d'emploi et de bureau spacieux, calfeutré aux portes capitonnées. Ce futur maire ou président d'APW ne doit pas aussi développer déjà un discours de divergence ou faire apeurer ses adversaires. Il serait judicieux pour lieu de « descendre d'abord de son piédestal » comme l'aurait affirmé un jour, un ancien Wali à un ancien candidat-maire. Encore que pour un président d'APW qui croit s'éloigner de par ses « fonctions » de ses habitudes cafetières, la charge est inutile. Alors, pour ce faire il ne faudrait pas être un simple « tête » de liste, mais une tête pensante. Une bonne tête d'urbaniste patenté, droit comme un T et flexible comme une équerre. Il en est ainsi dans cette cité antique, où qui mieux qu'un architecte grenoblois souriant, jeune, dynamique, ould bled, comme disent ses fervents amis ; ait cette faculté d'aisance d'occuper le poste nonobstant sa seconde position ? Juste pour avoir donné des signes de courage et de compétence, dans un intérim qui doit absolument durer. En fait de têtes, ce sont, avec l'accord de tout le monde ; des crânes, une cervelle, quelques fibres cellulaires, des caillots de sang et un brin d'intelligence. En matière électro-radiographique, les têtes de liste ne sont, pour la plupart que des urnes crâniennes écervelées, une boite osseuse. Le vide des urnes suggère et sollicite leur bourrage. Le vide des crânes facilite l'ancrage de l'abjection et éduque dès la première injection, la petitesse de soi et l'éminence du parrain.

La pénitence que doit déverser chaque candidat au podium confessionnal du scrutin du 29 novembre 2012 s'ébrèche déjà par cette fin entrée morose d'une campagne électorale qui ne ressemble qu'à des travaux de corvée politique incitant dans l'audace les leaders à vociférer répétitivement ce qu'ils avaient prononcé il y de cela moins de six mois. Ils n'y trouveront point l'enthousiasme du mois de mai. Ils seront certainement les moins indiqués dans les endroits où la vie politique ne fait plus une lecture unanime des édits et des chartes de l'élu. Les lecteurs attentifs ont été court-circuité par de la grosse masse d'un courant alternatif installé tantôt au QG d'Alger tantôt dans le rêve de récupérer des bases perdues pour un nom de sou. L'autre face cachée, sans doute la plus importante ; reste celle rattachée au financement de la vie politique et des opérations électorales. C'est la loi de l'omerta qui préside à cet effet. Rien. Circulez, il n'y a rien à voir. Ni à compter. La mendicité politique et le porte-à-porte ont des leurs en cette Achoura, où la zakat aurait été prise pour un sponsoring.

Le ton d'une campagne s'est mal accompagné au seul son de la diversion qui mine les cellules organiques des partis en mal d'adhésion populaire. Trop de partis tue les partis, pour paraphraser l'impôt. Peu de partis réduit la démocratie. Les gens ne semblent pas avoir trop d'entrain pour aller voter. La faute n'est pas celle de l'Etat. Elle relève des partis et de la loi qui les régit et régit aussi le régime électoral. Les candidats, tous partis confondus auront à eux seuls le mérite d'obtenir ou des gains de voix ou c'est à la disgrâce de les poursuivre. En fait d'élections, un phénomène est en phase d'installation dans nos mœurs politiques qui fait dire à chaque électeur qu'il n'est pas obligé de voter parti mais aura la possibilité de jeter son choix sur des personnes. Sa voix ira, quelque soit la bannière politique, vers le candidat le mieux estimé, le moins connu (dans les affiches électorales) et le plus apte par expérience et formation à s'acquitter parfaitement des taches qui lui incomberont à l'avenir. Ainsi les ténors, les éternels, les caciques et les carriéristes ne feront pas perdre le parti. Juste, continueront-ils à l'encrasser, le barbouiller. Ils auraient perdu la face en forçant la main aux commissions de classement, d'entériner leurs prétentions malencontreuses. La perte de voix et l'érosion du capital-confiance qu'avait pu engranger quelque part l'élan législatif, resteront de la responsabilité du candidat. S'il perd il doit périr. Car en pareilles circonstances, le parti est largement dépassé sinon dévoré par ses propres condisciples. C'est pour cette raison que les nouveaux ne feront pas long feu. La braise est trop ardente pour ne pas attiser ce feu dévorant.

Le parti sous la main du maître ou du contremaître devra veiller sans cesse à surpasser le défi inter-hommes et éliminer cette envie féministe d'être toujours le premier (dans les listes) qui avec la bénédiction irréfléchie de certains aristocrates du parti ; protecteurs de petits parrains locaux, n'arriveront en bout de parcours qu'enfoncer dans la haine et le mépris toute la glorieuse trinité des initiales des partis. Le discours qu'ils auraient à prononcer, se référant à la modernité de style sans la pratiquer, tinterait telle une cloche d'airain dans l'oreille d'un sourd ou s'irradierait comme un éclair embrasé ne pouvant briller dans l'iris d'un non-voyant. La réalité reste dure tant que le candidat se prend pour tous les électeurs. L'urne, à l'entendre est une familiarité, un jeu d'enfant.

Autre couac à cette campagne, le déplacement en cheval de campagne de certains ministres en poste. Chefs de file, dirigeants de parti, ou membres des instances suprêmes, ils n'avaient pas à le faire. Leurs promesses, ils ont en faites ; sont quelque part des promesses exécutables et prises tout de suite pour argent comptant par les foules visitées. Tandis que les autres, n'ayant aucun pignon sur Etat ne peuvent le faire, se rabattant sur des généralités, des faisabilités, des actions du programme quinquennal?des indiscrétions parlent même de menaces si jamais El Ouricia n'arrive pas à se reconnaitre dans le vœu de l'orateur du jour. Heureusement que le téléphone ici est déjà installé. Reste le débit d'internet, l'eau potable en termes de débit est plus indispensable. Heureusement aussi que le successeur de Sellal est apolitique.

Avoir une opinion, la défendre et accepter l'autre opinion dans toute sa contrariété n'est pas chose aisée. Ceci n'est pas l'apanage des campagnards. Il est un trait de civilité et de tolérance. Un honneur pour ses afficheurs. C?est ainsi que cette campagne aurait démontré toute la difficulté de pouvoir être un démocrate, un bon démocrate. La campagne se termine tel un labour en une saison précoce dont les semailles ne seront qu'une récolte précaire. Cependant si je n'ai pas voulu mouiller mes mots, je dois au moins mouiller ma carte d'électeur. En attendant je me pose urgemment la question de savoir, qui sera maire ou P/apw le prochain jeudi 29 novembre ?