|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Kheireddine
Ramoul, économiste à la Cnuced et spécialiste des questions d'adhésion à l'OMC,
explique, dans cet entretien, pourquoi le processus d'adhésion de l'Algérie
parait long et par certains côté fastidieux. Pour lui, l'intérêt de l'adhésion
est qu'elle permet de consacrer la «règle de droit, la transparence des
pratiques commerciales». La question du «double prix» du gaz, le régime
d'investissement, la règle du 51/49%... sont abordées.
Le président du groupe de travail chargé de l'accession de l'Algérie à l'Organisation mondiale du commerce (OMC), Alberto Dialoto a exprimé le souhait de faire accéder rapidement l'Algérie à l'organisation. Le dossier traine depuis près de dix ans, comment l'expliquer ? Est-ce normal ? Il faut prendre en considération le fait que les négociations pour l'accession sont de nature complexes techniquement parlant. Elles concernent l'ensemble des dispositifs institutionnel, législatif et règlementaire ainsi que les pratiques étatiques ayant trait aux mesures et aux politiques commerciales d'un pays. Les négociations se déroulent dans trois volets. 1- Examen multilatéral (les aspects systémiques) du régime du commerce extérieur. Il est pris en charge par les réunions du groupe de travail à Genève et consiste à vérifier et à s'assurer que les cadres institutionnel, législatif et réglementaire sont en conformité avec les Accords commerciaux multilatéraux régissant le commerce multilatéral sous les auspices de l'OMC. Il s'agit, entre autres, en ce qui concerne le domaine du commerce des marchandises, par exemple, des questions suivantes (la liste n'est pas exhaustive) : L'évaluation en douane, Licences d'importation, Entreprises commerciales d'Etat, Règles d'origine, obstacles techniques au commerce, mesures antidumping, les Subventions et mesures compensatoires, Mesures Sanitaires et Phytosanitaires, Mesures concernant les investissements et liées au commerce? etc. A l'évidence c'est un travail fastidieux devant impliquer la coordination et la mise à contribution de l'ensemble des départements ministériels tous secteurs confondus et pas uniquement le Ministère du commerce. En général ce travail prendra deux à trois ans, à condition que le pays concerné ait au préalable introduit les réformes nécessaires et mis en place les transformations législatives et réglementaires requises afin de mettre à niveau de son régime commercial. Cela prendra davantage de temps si de telles réformes ne sont pas en grande partie mises en branle. Les pays membres de l'OMC ne se contentent pas de vérifier seulement l'adoption des textes juridiques et réglementaires mais ils évaluent surtout leur mise en œuvre dans la pratique avant de passer à l'étape suivante du processus de négociations. Pour les membres du groupe de travail cet exercice est une phase fondamentale et incompressible. Où en est l'Algérie sur ces aspects ? L'Algérie a pu, entre 2002- date effective du début des négociations- et 2004, s'acquitter d'une partie substantielle de ce travail d'assainissement interne et de mise à niveau de son régime commercial ce qui a permis, par la suite, l'ouverture en parallèle et concomitamment du chantier des négociations bilatérales. Ces dernières constituent donc le 2ème volet de l'architecture des négociations pour l'accession. Ce volet complète le premier palier. Une fois le régime commercial aura été jugé, de façon globale, suffisamment compatible avec les règles de l'OMC, les membres du groupe de travail entament une négociation en vue d'obtenir, à titre individuel, des concessions tarifaires et des engagements spécifiques en matière d'accès aux marchés des biens et des services. Pour le dire simplement, il s'agit pour le pays accédant de faire des offres de réductions tarifaires sur plus de 6000 produits que compte son tarif douanier et de limiter les restrictions pour garantir aux fournisseurs de services étrangers d'opérer dans des conditions de compétition loyale et transparente dans l'ensemble des 12 secteurs de services contenus dans la nomenclature officielle de l'OMC. Cela englobe les services des télécom, des banques, services financiers, distribution, construction? etc. Ce volet ne se termine qu'à l'extinction des demandes des pays membres et la conclusion avec chacun d'entre eux d'un accord bilatéral qui sera enregistré et déposé au sein du secrétariat de l'OMC. Il faut compter en moyenne, selon le cas, entre 20 à 30 accords de ce genre pour épuiser la liste des pays qui sollicitent des rencontres bilatérales. A titre d'exemple la Fédération de Russie qui a accédé à l'OMC en Août de cette année, a dû signer pas moins de 30 accords bilatéraux concernant l'accès au marché pour les services et 57 concernant l'accès au marché pour les marchandises. Le processus d'accession de ce pays a duré 18 ans. A ma connaissance l'Algérie a déclaré qu'elle a conclu six accords bilatéraux et poursuit son programme des bilatérales avec d'autres pays. Le 3ème volet, c'est le plurilatéral ? En réalité c'est une démarche informelle qui consiste à examiner au sein d'un groupe particulier de pays producteurs et exportateurs de produits agricoles (Australie, Argentine, Brésil, Canada, USA, UE?) les politiques agricoles notamment les programmes de soutien interne à l'agriculture et des subventions à l'exportation des produits agricoles afin de s'assurer que lesdits programmes sont conformes aux règles de l'OMC en la matière. La partie Algérienne n'a pas rencontré de difficultés majeures sur ce dossier du fait que les mesures prises en faveur du secteur agricole sont largement en deçà des seuils prescrits. J'ai donné à dessein cette réponse longue afin de mettre en relief la complexité au plan technique des dossiers et l'importance en termes de volume de travail préparatoire à accomplir par tous les pays accédant y compris l'Algérie. Pour une partie de l'opinion, ces négociations sans fin pour l'accession à l'OMC sont absurdes. Comment leur expliquer que l'Algérie a intérêt à cette accession ? J'ai déjà répondu au premier volet de la question. Pour ce qui est de l'intérêt pour l'Algérie d'adhérer à l'OMC, je considère, pour ma part, dans un premier temps, que cette accession permettrait, au moins de consolider de façon irréversible, car il s'agira d'engagements internationaux contraignants, la série des réformes systémiques et des mesures dont l'aboutissement consacrera, dans la sphère économique, la règle de droit, la transparence des pratiques commerciales ; bref tout ce qui est de nature à assainir le climat des investissements et des affaires. Sur le moyen terme le pays devrait être à même d'asseoir une véritable politique commerciale en vue de diversifier ses exportations et de réduire sa dépendance par rapport aux hydrocarbures. Confirmez-vous que la question du prix du gaz est résolue. Et que doit faire l'Algérie en matière d'investissement extérieur ? Je pense que le modus operandi ayant servi au règlement de cette question (double prix du gaz) lors de l'accession de l'Arabie Saoudite, achevée en 2005, et celle de la Fédération Russie en Août 2012, pourrait éventuellement servir comme précédent dans le cas de l'Algérie. En ce sens que l'Algérie doit démonter, comme l'a fait l'Arabie Saoudite, qu'il ne s'agit pas d'une subvention déguisée (quoi qu'en tant que pays en développement l'Algérie peut se prévaloir des dispositions du GATT/OMC relatifs au traitement spécial et différencié) et que le prix du gaz distribué aux industriels nationaux couvre les coûts de production et consacre une marge de profit même modeste. S'agissant du régime d'investissement il est clair que les Etats membres de l'OMC attendent de tous les pays accédant y compris l'Algérie de mettre en place un cadre transparent, débarrassé des lenteurs et des pesanteurs bureaucratiques et surtout juridiquement stable, présentant les garanties nécessaires en termes de protection des investissements étrangers. Est-ce que la règle du partage de l'investissement 51% nationaux et 49% étranger est antinomique avec les règles de l'OMC ? Non ; elle n'est pas en contradiction avec les règles de l'OMC. Elle fera certainement l'objet d'une négociation intense. La difficulté pour la partie Algérienne sera, à mon avis, de pouvoir convaincre ses partenaires du bien- fondé de l'application systématique de cette mesure à tous les secteurs économiques. En matière de protection de droits d'auteur, l'OMC attend-elle de l'Algérie un effort particulier ? Pas forcément si l'Algérie démontre dans les faits que les dispositions de l'Accord de l'OMC sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce (ADPIC) sont respectées. Est-ce que la question de l'ouverture des Services est une source de contentieux ? Plutôt un sujet de négociations. |
|