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Abdallah de Jordanie en mire des manifestations populaires à Amman

par Kharroubi Habib

Les manifestations pour réclamer des réformes démocratiques sont monnaie courante en Jordanie et tolérées par le pouvoir royal qui y voit une soupape de sécurité contre les expressions plus radicales du mécontentement populaire. Celle de vendredi à Amman est toutefois une première du fait que les manifestants ont franchi « la ligne rouge » fixée dans le pays aux démonstrations de mécontentement et revendicatives, à savoir s'en prendre à la personne du roi. Ce qu'ont fait vendredi des milliers de Jordaniens qui ont crié « à bas (le roi) Abdallah ».

L'effet déclencheur de cette manifestation à la revendication inédite dans le royaume en a été l'importante hausse des prix de l'énergie décidée mardi par le gouvernement jordanien. Il faut voir dans la radicalisation des mots d'ordre scandés par les manifestants une montée en puissance des forces politiques de l'opposition jordanienne tentées désormais, non par des réformes et changements limités tels que le roi en prend l'initiative à chaque fois que la rue bouge dans le pays, mais de provoquer la chute du régime. Pareil état d'esprit s'exprimant en Jordanie ne s'est pas déclaré depuis les années 50/60 durant lesquelles Hussein, le père du roi actuel, a eu à batailler contre une opposition ouvertement antimonarchiste encouragée et soutenue par les régimes républicano-nationalistes au pouvoir alors en Egypte et d'autres Etats arabes.

Le fer de lance des manifestations qui secouent présentement la Jordanie sont les islamistes, notamment les Frères musulmans dont le parti domine la scène nationale. Le roi Abdallah ne s'est pas trompé sur la gravité pour son trône que sont les slogans maintenant scandés au cœur d'Amman. Il a annulé une visite qu'il devait effectuer la semaine prochaine à Londres. Preuve s'il en est qu'il prend au sérieux les manifestations hostiles dont il est la cible.

Il est clair que le fusible des changements de gouvernements auxquels a eu si souvent recours le monarque ne fonctionne plus. Les islamistes mais aussi les militants de gauche et des mouvements de jeunesse qui marchent ensemble ne se satisferont pas d'une énième diversion du genre. Ils semblent déterminés au bras de fer, motivés par la réussite des révoltes populaires qui en Egypte, Tunisie et Libye ont fait chuter les régimes en place. Cependant la monarchie jordanienne dispose d'alliés régionaux et internationaux qui ne la laisseront pas tomber.

L'Arabie Saoudite, le Qatar et tous les autres émirats du Golfe feront bloc avec le Palais royal jordanien, comme ils l'ont fait avec l'émir de Bahreïn, pour que ne se réalise pas le précédent de la chute d'une monarchie arabe. Les Etats-Unis, les pays occidentaux et Israël même feront tout pour décourager l'opposition jordanienne, le royaume étant pour eux un Etat stratégique au plus haut point et son roi la garantie qu'il restera sous leur influence.

Que peut alors sortir de sa royale gibecière Abdallah ibn Hussein pour désamorcer le mouvement anti-monarchie qui s'est formé ? Faire donner la répression uniquement comme à Bahreïn, ou suivre l'exemple de son homologue marocain qui a accordé à son peuple une nouvelle Constitution consacrant l'apparence d'une monarchie constitutionnelle où le roi règne mais ne gouverne pas ? Abdallah le fera savoir bientôt car il lui faut répondre à la colère de la rue jordanienne.