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La France veut cadrer les contenus audiovisuels sur le Web

par Aymen Zitouni

Une possible fusion entre un régulateur des télécoms et un conseil de l'audiovisuel commence à se dessiner en France avec, à la clé, la régulation des contenus audiovisuels sur Internet. Une situation qui conférera à la nouvelle instance de vastes pouvoirs de contrôle sur le net où des sites comme Youtube et Dailymotion seront assimilés à des chaînes TV classiques.

Le gouvernement français a jusqu'à la fin de l'année pour approuver un rapprochement entre le Conseil supérieur de l'audiovisuel (CSA) et l'Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP). C'est lui qui avait lancé, fin août dernier, une réflexion sur une éventuelle fusion entre les deux instances de régulation de l'audiovisuel et des télécoms. Début octobre, l'ARCEP rendait son rapport dans lequel elle n'avait pas affiché un enthousiasme particulier à ce projet de fusion. Le régulateur des télécoms estime même qu'une telle fusion «pourrait aboutir à déposséder le gouvernement et le Parlement d'une part significative de leurs prérogatives actuelles dans des domaines particulièrement sensibles et de plus en plus stratégiques», car la nouvelle autorité aura des «pouvoirs extrêmement vastes». Contrairement au gendarme des télécoms, le CSA a rendu public son rapport, fin octobre, où il acceptait cette fusion. «La multiplication prévisible des sujets communs à l'ARCEP et au CSA milite pour un rapprochement dans trois domaines au moins : la gestion du spectre, la régulation économique et la régulation des services en ligne», souligne le document du CSA. Le régulateur de l'audiovisuel veut surtout que la nouvelle entité ait des pouvoirs «vastes» sur les contenus web.

«En raison de l'importance des enjeux liés au financement de la création, il serait illusoire, voire destructeur, de déconnecter les différents aspects (techniques, juridiques, économiques) de la régulation des contenus audiovisuels, telle que l'assure aujourd'hui le CSA». En gros, le CSA conditionne cette fusion par la régulation du contenu Internet. Ainsi, l'entité qui sera issue de la fusion aura pour objectifs : «le respect, par tous les contenus audiovisuels, des valeurs qui appartiennent au socle de notre République», et «la pérennité du financement de la création, grâce à l'application d'un principe, à généraliser, suivant lequel tout service tirant un revenu de l'exploitation de contenus audiovisuels professionnels doit participer à leur financement», estime le rapport du CSA.

La protection des droits d'auteur et la neutralité du Net

Une attention particulière est attachée par le gouvernement français, depuis 2007, à cette fusion, jugée nécessaire à l'heure de la convergence entre les contenus diffusés par Internet et par la radio ou la télévision. «Il est aujourd'hui essentiel de s'interroger sur l'efficacité des modes de régulation des communications électroniques et de l'audiovisuel, à l'heure où les contenus audiovisuels sont de plus en plus diffusés par l'Internet fixe et mobile", affirmait le Premier Ministre français, Jean-Marc Ayrault dans un communiqué lors du lancement de la réflexion en août dernier. «La diffusion des programmes audiovisuels par voie hertzienne est assortie d'une régulation des contenus destinée notamment à en assurer la qualité et la diversité, alors que les contenus diffusés via internet font l'objet d'une régulation plus limitée et parfois inadaptée». Ce sont là les arguments avancés pour réguler le contenu vidéo sur le web. Cette décision aura des conséquences notamment sur les sites de partage de vidéo tels que Dailymotion, Youtube et les sites similaires qui seront considérés comme des chaines TV et donc, à qui les lois sur l'audiovisuel vont s'appliquer.

La régulation du contenu sur Internet est déjà opérationnelle dans plusieurs pays notamment les plus développés. On peut citer entre autres les États-Unis d'Amérique, la Grande Bretagne et l'Italie. Cette tendance est souvent justifiée par des impératifs d'ordre économique ainsi que la protection de l'enfance (restriction pour les contenus adulte), mais surtout la protection des droits d'auteurs. Un site comme Youtube est désormais responsable des contenus qu'il met en ligne . Il est assimilé à une chaine TV classique, avec la régulation du contenu web par une instance issue d'une fusion entre un régulateur des télécoms et un conseil de l'audiovisuel, ce qui le rend responsable de la violation des droits d'auteurs. C'est pourquoi en Italie, par exemple, Youtube est tenu d'avoir une plus grande réactivité en cas de violation de droit d'auteur . Il doit supprimer le contenu en question sous 48 heures. Mais sous cette volonté de lutte contre le téléchargement illégal et la protection des droits d'auteurs, la neutralité du Net qui voudra que l'accès aux contenus soit assuré égalitairement sera certainement égratignée, avec la pratique de filtrage des sites jugés, à tord ou a raison, «illégaux».