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COMPTE A REBOURS

par K. Selim

Le compte à rebours est enclenché, les Américains sauront très bientôt qui logera à la Maison-Blanche, l'actuel président Barack Obama ou son rival républicain, le milliardaire Mitt Romney. Le premier président noir de l'histoire des Etats-Unis sera-t-il réélu ou cèdera-t-il sa place au dignitaire de l'Eglise mormone et incarnation quasi caricaturale de la ploutocratie américaine ?

Selon les instituts de sondage, il n'y a pas de favori et le coefficient d'incertitude est substantiel. Le fonctionnement de la démocratie américaine est assez particulier : les citoyens n'élisent pas directement le chef de l'Etat. Ce dernier est élu par un collège électoral composé de grands électeurs en nombres différents selon les Etats, ce qui complique sérieusement les prévisions. Ainsi, Al Gore avait reçu la majorité des votes au niveau national mais n'a pas obtenu celle du collège électoral. Tout comme les techniques de vote et l'état des listes électorales facilitent les « arrangements » à l'image de ceux qui ont permis en 2000 l'éviction d'Al Gore et la nomination par la Cour suprême, acquise aux républicains, du sinistre George W. Bush.

Les programmes politiques des deux candidats sont connus, celui de Barack Obama à connotation sociale l'emportera-t-il sur le crédo ultralibéral d'un Mitt Romney qui a dû mettre de l'eau dans son vin néoconservateur ? La question n'intéresse pas seulement les citoyens américains. Tous les habitants de la planète sont concernés par le résultat d'une élection qui oriente pour les quatre années à venir la politique de la première puissance économique et militaire. Qu'il s'agisse de lutte contre le réchauffement climatique, de politique énergétique, de la guerre ou de la paix, le rôle des Etats-Unis demeure prépondérant. Certes, Barack Obama a fortement déçu les attentes de ceux qui avaient cru à une rupture franche avec l'ère précédente. Les limites de l'exercice présidentiel ont confirmé que les Etats-Unis étaient avant tout dirigés par un establishment extrêmement puissant dominé par le complexe militaro-industriel et les opulents lobbies économiques et idéologiques qui régentent Washington.

Le basculement vers la droite du centre de gravité politique des Etats-Unis est tout à fait visible au rythme du déclin de l'influence américaine à travers le monde et au fil des transformations socioculturelles du pays. De ce point de vue, Mitt Romney exprime clairement cette droitisation, synthèse de religiosité, de suprématisme militariste, de déréglementation et de réduction du rôle de l'Etat. Et même si elle n'est pas franchement évoquée, au nom du « politiquement correct », la question raciale est au centre d'un débat inavouable où l'inconsistant Mitt Romney a su orienter les angoisses des « rednecks », les petits Blancs confrontés aux difficultés de la crise économique, vers le soutien à un programme de défense des valeurs « judéo-chrétiennes » qui seraient niées par les démocrates représentés par un président noir.

En tout état de cause, dans un contexte global lourd de dangers, au Moyen-Orient mais aussi en mer de Chine, et face à une crise économique mondiale loin d'être dépassée, l'élection éventuelle de Mitt Romney inaugurerait une ère de dangereuse imprévisibilité. Alors, bien sûr, même si Barack Obama a perdu l'aura qui était la sienne il y a quatre ans, il reste encore un candidat largement préférable à un prédicateur arrogant aux idées particulièrement courtes.