Le marché parallèle de change des devises a été de nouveau mis à l'index
par le gouverneur de la Banque d'Algérie (BA), Mohamed Laksaci, qui a insisté,
hier, dans sa réponse aux questions des députés relatives au rapport de
conjoncture de 2011, sur l'illégalité et l'interdiction de ce genre de marché
au noir. Mais pas seulement, il annoncera, en parallèle, des mesures
incitatives proches au profit des bureaux de change exerçant en Algérie et aux
ménages pour les encourager à recourir au marché légal des devises qui, lui,
est réglementé et soumis au contrôle de la BA et au contrôle à posteriori des
banques commerciales. Ces facilitations évoquées par le gouverneur de la Banque
d'Algérie sont de nature à booster l'activité légale des bureaux de change
existants, en bénéficiant prochainement d'un «relèvement de la marge de
rémunération». C'est justement cette commission, estimée actuellement à 1%, qui
n'encouragerait pas les gens à investir ce créneau. En décidant de relever
cette marge, l'Etat cherche à rendre cette activité plus attractive, «plus
concurrentielle», a expliqué M. Laksaci sans plus de précisions. Ce manque de
détails accompagnera également ses explications sur le cas des ménages qui
profiteront, selon lui, à titre d'exemple, d'incitations relatives à la
«convertibilité courante du dinar», donc au droit de change. Cette guerre
déclarée au marché parallèle de change ne saurait pourtant être menée à bien si
d'aventure aucune solution de rechange n'est proposée. Pour le citoyen lambda,
l'aspect même du change des devises s'est toujours fait dans l'illégalité au
niveau de cambistes ayant pignon sur rue et dont les adresses sont toutes
connues des services de sécurité. S'il y avait volonté manifeste des pouvoirs
publics d'enrayer ce marché, il y aurait bien longtemps que cette activité, qui
génère des milliards échappant au fisc et alimentant la fuite des capitaux,
soit éradiquée mais la déclaration même du ministre de l'Intérieur avait
suscité ou renforcé les doutes autour de cette question. Seules les banques
commerciales et les bureaux de change sont autorisés par la loi à vendre et à
acheter la monnaie nationale, a déclaré M. Laksaci, renforçant par là
l'intervention antérieure du ministre des Finances, Karim Djoudi, qui a affirmé
que «le gouvernement va combattre le marché informel de la devise. La loi ne
permet pas l'existence d'un marché parallèle de la devise». Les députés avaient
vivement dénoncé lundi, lors de leurs débats du rapport de la BA, l'existence
tolérée du marché parallèle des changes et se sont interrogés sur les motifs de
l'absence de bureaux de change, présents en nombre même dans les pays sous-
développés. La réponse aux questions des députés est à chercher du côté des
explications du grand argentier du pays qui avait justifié cette désaffection
par le peu d'intérêt suscité par cette activité. «S'il n'y a pas une multitude
de bureaux de change en Algérie, c'est parce que les gens ne veulent pas
s'investir dans ce créneau en raison de la faible rémunération sur la
fourchette entre le coût acheteur et le coût vendeur», expliquait le ministre.
M. Laksaci a rappelé que la BA avait accordé 40 autorisations pour la création
de bureaux de change depuis 1997 mais certaines autorisations ont été
«retirées» en raison d'infractions de change. En 2010, un patron d'une agence
de change agréée a été présenté devant le juge pour avoir transféré à
l'étranger des devises pour le compte de ses clients. En effet, au lieu de
procéder à l'achat de la devise étrangère et son transfert vers un compte
bancaire en contrepartie d'un intérêt de 1%, comme stipulait sur son cahier des
charges, il achetait la devise d'un peu partout pour la revendre aux
commerçants, notamment ceux exerçant dans l'import-export, en leur délivrant
des attestations de change illégales portant sa signature et le cachet de son
agence. Pour rappel, le principal marché de la devise, celui du square
Port-Saïd, traite à lui seul quelque 50 millions d'euros par jour.