La secrétaire d'Etat américaine, Hillary Clinton, a
été peu loquace après son passage à Alger où elle a eu des entretiens avec le
président de la République. Les propos rapportés par l'APS sont très évasifs
par rapport aux questions posées comme les préparatifs d'une intervention
militaire au nord du Mali. Il faudra attendre des informations ? et des
briefings ? provenant des Américains pour en connaître un peu plus. Mais on
peut retenir tout de même que la secrétaire d'Etat américaine prend acte de «la
situation très complexe» et des «problématiques très compliquées au nord du
Mali». Rien n'est en effet très simple. Le fait que des groupes terroristes se
soient incrustés au nord du Mali et ont étendu leur poids n'est pas
contestable. Mais le problème du Mali, Sud et Nord, ne se réduit pas seulement
à la présence de ces groupes djihadistes. Il est également le produit d'une
crise permanente entre les populations touaregs du Nord et le pouvoir central à
Bamako. C'est une question centrale que les gouvernements successifs du Mali
n'ont eu ni la volonté ni le courage de régler résolument. Tous les efforts
politiques pour régler le problème ? et l'Algérie a joué un rôle important de
médiateur ? se sont heurtés à une mauvaise volonté des autorités maliennes.
Celles-ci acceptaient volontiers de signer des accords mettant fin aux
rébellions sans réellement admettre qu'il y a une refonte de l'Etat à faire
pour créer une stabilisation durable. Et, jusqu'à présent, à Bamako, on ne
semble pas saisir que la crise du nord du Mali est née au Sud, dans la capitale
du Mali. Récemment encore, le putschiste Sanogo, dont l'action a accéléré la
chute des institutions du Mali, a pris une posture faussement gaullienne du déni
de responsabilités. Ce sont ces attitudes qui ont permis aux djihadistes de se
créer des liens avec des mouvements targuis en déshérence et en désespérance et
de s'incruster au Sahel. Une action militaire au nord du Mali qui est seulement
destinée à reprendre des villes tombées entre les mains des islamistes ne pose
pas, selon des spécialistes, des difficultés majeures. C'est «l'après» qui pose
problème. Et il sera d'autant plus difficile qu'on n'aura pas réussi à attirer
vers la solution de paix ceux qui ont une place légitime au Mali, c'est-à-dire
les Touaregs du nord du Mali. On parle bien de dialoguer avec le MNLA, présenté
comme «laïc», mais cela n'était pas le cas quand ce mouvement représentait
quelque chose au plan militaire. On aime en définitive dialoguer avec ceux qui
sont à bout de force. On refuse de parler à Ançar Eddine qui est devenu la
principale force targuie, pour ne pas dire la seule. Et pourtant, si l'on veut
stabiliser le Nord, il faut passer par une démarche inclusive des populations du
Nord qui, de toute façon, ne vont pas disparaître sous le simple effet de la
menace. Certes, il n'est pas sûr qu'Ançar Eddine soit prêt à évoluer, mais on
ne le saura pas vraiment si aucun effort n'est fait dans ce sens. Cela fait
partie de la complexité des choses, celle qui dissuade de suivre les
va-t-en-guerre qui prennent le soin de refiler la patate chaude aux autres, en
les couvrant d'éloges. Tous les médias occidentaux reprennent la flatterie
d'une agence de presse qui parle d'une armée algérienne «puissante» et d'une
Algérie disposant de «renseignements et d'une expertise indéniable en
contre-terrorisme (...) et d'une influence auprès des Touaregs». Mais ces mêmes
médias feignent d'ignorer que la réticence de l'Algérie à une action militaire,
qui n'est pas préparée politiquement, découle de cette «expertise» et de cette
«influence» dont ils parlent. Ces flatteries sont bien puériles !