
« Chassez le
naturel, il revient au galop, dit l'adage, tant il est vrai que l'immense
vacuité, qui s'installe dans nos quartiers le premier jour des fêtes
religieuses ou durant les week-ends prolongés, est devenue une seconde nature
!» C'est par cette remarque désabusée qu'un citoyen a commenté pour nous, hier,
l'atmosphère de l'Aïd El-Adha à Constantine et qui n'a pas dérogé à cette
fâcheuse habitude que les autorités ont voulu combattre, en sommant les
commerçants à ouvrir pendant cette journée. Si pendant la matinée et tout de
suite après la grande prière de l'Aïd, tout le monde était occupé par le rituel
du sacrifice, les rideaux étaient baissés et cadenassés pendant que les rues
étaient pratiquement vides, la situation paraissait normale. Mais après la
prière du vendredi, lorsque les gens ont commencé à bouger, l'absence totale de
toute activité commerçante ou de service persistait. Aussi, afin de vérifier si
la décision des autorités prise la veille pour instaurer une permanence dans
l'approvisionnement des populations en produits et services de première
nécessité, nous sommes partis en tournée dans deux quartiers populaires, ceux
de Bab El-Kantara et de Sidi Mabrouk et nous avons rencontré sur notre chemin
des familles qui cherchaient désespérément un taxi ou un moyen de transport
pour les conduire chez les leurs, pour la visite traditionnelle et conviviale
de l'Aïd. Malheureusement, les taxis de service et même ceux de la fraude
étaient très rares. Et si, par chance, on en trouvait un, on est tout de suite
choqué par les prix pratiqués lesquels ont été multipliés par deux. «De Sidi
Mabrouk à Bouchama, le taxieur régulier m'a exigé 200 dinars pour la course au
lieu des 100 en temps normal. N'ayant pas le choix, j'ai dû me plier à son
diktat !» a signalé, avant-hier soir, un citoyen.
Sur un autre
plan, dans l'un ou l'autre quartier, à part un ou deux cafés qui étaient
occupés essentiellement par des jeunes, tout est demeuré fermé. Les
boulangeries comme les épiceries. Vers 15 heures, les citoyens ont commencé à
voir s'installer les étals des vendeurs informels qui ont proposé du pain de
semoule (khobz eddar) à 120 dinars pièce. Pour le pain ordinaire, on a trouvé
chez quelques-uns du pain congelé qui a été réchauffé et sorti à l'occasion
pour être écoulé au même tarif que le pain frais. Les épiceries ouvertes
étaient pratiquement introuvables à des kilomètres à la ronde. Il en est de
même des souks habituels. Il n'y avait pas de marchands de fruits et de
légumes. Idem pour les pharmacies, où en l'absence d'informations sur le
tableau de garde, on a cherché en vain les officines qui étaient de permanence.
Néanmoins, il est vrai que les citoyens, tout occupés qu'ils étaient à savourer
la viande fraîche du mouton qu'ils venaient de sacrifier, ne se sont pas trop
plaints de cette situation, soit à cause du fait que cela était devenu une
habitude, soit parce qu'ils ont fait leurs provisions la veille, en stockant
les produits nécessaires. Seule satisfaction dans ce tableau sombre, le secteur
de la santé où le réflexe de permanence au niveau des services des urgences est
resté vif. Ainsi, selon la déclaration du directeur de l'Etablissement
hospitalier de santé (EHS ou hôpital) d'El-Khroub, faite, hier, à la radio, les
services concernés ont fonctionné normalement et ont traité 36 cas
d'indigestion au cours de la première journée de l'Aïd. Il est vrai, a-t-il
signalé, qu'une inspection faite à l'improviste, la veille à 22 heures, par une
mission de contrôle déléguée par le ministère de tutelle a visé son
établissement. «Heureusement que cette mission de contrôle a constaté que tout
le dispositif de permanence était en place et fonctionnait normalement», s'est
félicité le directeur de l'EHS d'El-Khroub, M. Benmehidi.