Avec la pénurie de carburant qui sévit à l'ouest du pays et laquelle a
engendré une baisse des réserves de cette précieuse énergie dans les dépôts à
l'autre côté de la frontière, les prix se sont affolés au niveau de la
frontière. Le cours qui était, voilà une quinzaine de jours, à un peu moins de
1.000 DA l'unité d'essence (dans le milieu de la contrebande l'unité est le
jerrican de 30 litres), celui-ci a atteint aux ultimes points de dépôt tels
ceux du village frontalier de Roubaine, situé à l'extrême-ouest de Béni
Boussaïd, 1.900 DA, soit un dividende soutiré par les hallabas d'environ 1.200
DA pour une unité. C'est là le gain maximum qui est en rapport avec
l'éloignement. Pour les points de dépôt plus proches tels ceux des villages de
Msamda ou Akid Abbès, Akid Lotfi? l'essence est cédée avec un bénéfice qui
tourne autour de 900 DA. Le cours qui n'a jamais atteint ce seuil a encouragé
et stimulé l'activité de contrebande du carburant laquelle, avec la pénurie qui
persiste, ont davantage aggravé la situation. Aussitôt la station-service
approvisionnée, la chaîne des véhicules à réservoir de grande contenance se
fait interminable et les hallabas, par souci de gain de temps, déposent le
«plein» à même leurs domiciles et remettent ça jusqu'à épuisement du produit à
la station-service. C'est à ce moment qu'ils transportent leur collecte vers
les dépôts à la frontière. La situation est qualifiée de très préoccupante car
l'honnête automobiliste endure ce phénomène lequel n'a que trop duré. Celui-ci
est contraint de se tourner vers un commerce parallèle que l'indisponibilité du
carburant dans les stations a engendrée. Il s'agit de la vente en 2e main dans
les domiciles. Des dizaines de ces «stations» illicites où le carburant est
disponibles h24 se sont ancrés dans divers quartiers de la ville au vu et au su
de tout le monde et offrent leurs services aux automobilistes non sans soutirer
le maximum. A titre indicatif, avec ces temps parcimonieux, l'essence super y
est payée jusqu'à 350 DA les 5 litres soit plus de 3 fois leur prix. Le
phénomène de contrebande de carburant, qui se fait également par camions munis
d'énormes réservoirs, a bafoué l'ordre et la loi. A titre d'exemple, l'arrêté
du wali qui fixe les capacités à servir au maximum (l'équivalent de 600 DA
d'essence et 400 DA de gas oil) n'est désormais plus respecté dans la majorité
des stations-service. Quant à la vente dans les habitations, elle présente un
danger extrême pour tout le voisinage. Des cas d'accidents mortels causés par
des incendies dans ce genre de dépôt ont déjà eu lieu sans que cela ne semble
trop interpeller les responsables. A l'approche de l'Aïd, les automobilistes
font dans la débrouille pour se procurer quelques litres de carburant qu'ils
payent à prix fort alors que les livraisons censées leur être destinées vont
faire le bonheur des contrebandiers nationaux et marocains et permet également
des bénéfices aux automobilistes de l'est du royaume. Quand on sait que la
contenance d'un véhicule léger est de plus de 3 unités et que le nombre de
«pleins» par jour tourne en moyenne autour de 3, l'on peut aisément estimer le
gain moyen soutiré actuellement en ces «temps d'opulence» par les trafiquants
supposés déposer leur carburant dans les dépôts dits proches: 8.100 DA. C'est
là une moyenne, tronquée en sus, qui en dit long sur les gains substantiels
soutirés par les trafiquants qui font le transport par camion?
Mais les trafiquants ne sont pas seuls en cause. Le problème perdure
depuis des années, bien qu'il ait pris cette dernière année des proportions à
couper le souffle aux plus tenaces et plus patients des automobilistes.
Certains pointent avec leurs voitures à 3 heures du matin devant les pompes à
essence. Après des heures d'attente à la belle étoile, ils reviennent
bredouilles convaincus que des mains dans l'ombre sapent la civilité de la
population. D'autres n'ont trouvé de solution que d'aller s'alimenter en
carburant dans les wilayate limitrophes s'armant de jerricans dans le coffre.
Mais tous ne comprennent pas l'incapacité des autorités à mettre fin à un souci
qui est devenu pour eux la préoccupation première. Cette pénible excroissance
est d'autant mal perçue quand l'administration met un énorme zèle à redorer le
visage de leurs localités avec un doigté à ébahir et faire rougir les plus
belles des cartes postales.