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Après la sardine qui parle à 500 balles, la pomme de terre
qui voyage à 120 balles, la Corporation des commerçants algériens (CCA) vous
présente sa dernière superproduction. Plus vrai que «Pour une poignée de
dollars», plus poignant que «Prends l'oseille et tire-toi», plus
révolutionnaire que «Il était une fois la Révolution», «Il était une fois le
mouton» est le dernier blockbuster de la CCA, avec la participation spéciale de
l'Algérien dans le rôle du client désabusé. Comme figurant, le cheptel ovin
d'El-Bayadh, de Djelfa, de Sougueur et d'ailleurs, comme dirait Brel ainsi que
quelques têtes citadines. Le pitch: An 2012. En
plein boum de l'Ansej, à quelques préparatifs d'une guerre des sables aux
portes sud de l'Algérie, à une kemcha d'heures de la fête du Sacrifice, les
troupeaux de moutons envahissent le pays. D'apparence amène, ressemblant à
leurs frères des années passées, guidés par des bergers aux sourires
chaleureux, ils ont traversé le pays à dos de camions ou chevauchant les
immenses contrées, mangeant, comme des criquets, le «vert et le sec». Une fois
installés dans les périphéries des villes, colonisant les ronds-points et les
carrefours, ils ont montré leurs crocs. Une barrière invisible à l'œil nu
repousse les éventuels clients. Pas question de bêlements de bienvenue, ni de
se laisser tripoter par le premier venu. Le mouton, fier, debout droit sur ses
quatre pattes provoque les visiteurs de son regard narquois. Même le jeune
berger qui leur tient compagnie est impuissant. Il est tout puissant, cette
année, le roi mouton. Seul dans la ville à regarder la meute des clients, le
couteau entre les dents, tourner autour de son enclos. Mais personne n'ose
s'approcher. Un seul mot, plutôt un seul chiffre, suffit à les tenir à
distance. La barrière des prix est infranchissable et les plus téméraires
meurent au milieu du film. Les moutons sont dopés aux corticoïdes, aux hormones
sexuelles et au henné. Parmi eux, on reconnaît Ben Jonhson ou encore le dernier
arrivé du cheptel, Lance Armstrong, on le reconnaît grâce à sa laine jaune. A
ses côtés Alberto Contador. Il y a également le trapu, Maradona, qui n'arrête
pas de donner des coups de cornes à la ronde. La brebis Marion James est
inabordable, on demande 12 millions pour elle. Le cheptel est dopé, n'arrête
pas de répéter les honnêtes maquignons dont les bêtes font plutôt penser à des
chats élevés aux hormones de croissance. Chez eux, ce n'est pas la viande qui
est dopée mais les prix. C'est la panique dans les villes, l'émeute. On menace
les moutons de bûcher et on jure de ne pas se brûler les poches.
Les enfants pleurent et les prix grimpent, télécommandés
par des barons installés dans des cafés. Le film se termine, comme tout bon
happy end hollywoodien, sur la scène d'une Mercedes noire qui s'arrête devant
le marché à bestiaux et un homme en descend. Il se dirige vers le maquignon et
ne discute même pas du prix. Il désigne, de son doigt baguetté de la carte
géographique de l'Algérie, cinq bêtes, mais imposantes, balèzes qui vous
bouffent facile 8 croissants au petit déj. Il regarde à la ronde, sourit
ironiquement au petit peuple et reprend le volant. La production vous informe
qu'aucune bête n'a été égorgée au cours du tournage, ce qui ne sera pas le cas
deux jours plus tard.