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Syrie : La trêve proposée par Brahimi sur un champ de mines

par Yazid Alilat

L'émissaire des Nations unies et de la Ligue arabe pour la Syrie, Lakhdar Brahimi, évolue pratiquement sur un champ de mines. Loin de se détendre, la situation dans ce pays, en proie à une guerre civile meurtrière depuis presque 19 mois, s'est encore compliquée avec ses excroissances politiques régionales. La présence de M. Brahimi à Damas, pour proposer une trêve aux deux parties, semble en fait, gêner autant le pouvoir qui ne veut pas lâcher prise, que l'opposition armée et soutenue par des pays arabes hostiles au régime de Damas et des pays membres du Conseil de sécurité de l'ONU.

Son arrivée vendredi, dans la capitale syrienne, a coïncidé avec un attentat à la voiture piégée perpétré dans la capitale libanaise Beyrouth et où fut tué le chef des renseignements libanais. Immédiatement, Damas a condamné l'attentat et l'a imputé aux ?'terroristes'', alors que la communauté internationale pointe du doigt le président syrien et le rend responsable d'un tel acte perçu comme étant un puissant détonateur d'une autre guerre civile au Liban, entre partisans et adversaires du régime syrien. Samedi, M. Brahimi a d'ailleurs abordé cet aspect de la crise syrienne qui risque de se répandre sur les pays voisins, mais a surtout discuté avec le chef de la diplomatie syrienne Walid Mouallem de son plan de paix, basé dans une première phase, sur une trêve, un cessez-le-feu à l'occasion de l'Aid el-Adha. Dans un communiqué rendu public à l'issue de cet entretien, le ministère syrien des Affaires étrangères a affirmé que le dialogue «loin de toute intervention étrangère» était la seule voie de sortie de crise.

MM. Brahimi et Mouallem ont discuté de «l'arrêt des violences afin de préparer le climat à un dialogue global syrien, jugé par le gouvernement comme étant la seule voie pour sortir (de la crise), loin de toute intervention étrangère», ajoute le ministère syrien, dans son communiqué. En outre, Brahimi et Mouellem ont ?'évoqué les obligations des autres parties régionales qui entravent la mission de M. Brahimi, en continuant d'héberger, d'armer et d'entraîner les groupes terroristes armés», a encore précisé le ministère, qualifiant l'entretien de «constructif» et «sérieux». M. Lakhdar Brahimi avait indiqué, à son arrivée pour la seconde fois à Damas, que ses discussions avec les responsables syriens porteraient sur «la nécessité de diminuer la violence actuelle et si possible de l'arrêter à l'occasion de l'Aïd el-Adha». Dans un communiqué commun, les chefs de l'ONU Ban Ki-moon et de la Ligue arabe Nabil al-Arabi ont exhorté «toutes les parties en guerre en Syrie à tenir compte de la demande» de M. Brahimi, soulignant que la trêve devait être de longue durée et ouvrir la voie à «un processus politique pacifique». Si Damas s'est dit prêt à examiner la proposition de Brahimi, l'opposition par contre, a conditionné son accord par le fait que ce soit le régime de Damas qui fasse le ?'premier pas''.

SOUTIENS A UNE IMPOSSIBLE TREVE

Pour autant, les soutiens au plan de M. Brahimi, qui a proposé une sorte de cessez-le-feu, durant les fêtes de l'Aid el-Adha, sont nombreux. Samedi, l'Algérie a exprimé son soutien à cette trêve. «L'Algérie, qui a toujours appelé au dialogue pour un règlement pacifique de la crise en Syrie, apporte son soutien ferme à l'appel de M. Lakhdar Brahimi pour une trêve'' en Syrie, à l'occasion de la fête de l'Aïd el-Adha», a indiqué un communiqué du ministère des Affaires étrangères.

En outre, l'Algérie ?'demeure convaincue que cette trêve est possible, grâce aux efforts de toutes les parties et à la contribution de tous, aux efforts de la Ligue arabe et de la communauté internationale, pour mettre fin au cycle de la violence, en Syrie», ajoute le communiqué du ministère qui espère que «ce moment exceptionnel soit saisi par les frères syriens et qu'il ouvre la voie à une dynamique de dialogue et de réconciliation».

La Russie a également applaudi ce plan et estime qu'il est un premier pas vers un cessez-le-feu en Syrie. La trêve entre les troupes gouvernementales et l'opposition syrienne, formulée par l'émissaire spécial de l'Onu et de la Ligue arabe Lakhdar Brahimi, ?'pourrait constituer un premier pas vers un cessez-le-feu durable'', a affirmé, lors d'un point de presse, jeudi, le porte-parole de la diplomatie russe Alexandre Loukachevitch. «Nous partageons l'avis de l'émissaire spécial, qui considère qu'une trêve (?) aurait pu servir de prologue à l'instauration d'un cessez-le-feu stable et durable», a poursuivi M. Loukachevitch.

M. Brahimi, qui tente d'obtenir une trêve à l'occasion de l'Aid el-Adha ( du 26 au 28 octobre), avait une nouvelle fois mis en garde, jeudi à Beyrouth, contre un débordement du conflit. «Si la crise syrienne continue, elle ne se cantonnera pas à la Syrie. Elle affectera toute la région», avait-il prévenu à Amman. Vendredi, un attentat à la voiture piégée est perpétré dans un quartier chrétien de Beyrouth et a visé le chef des services de renseignements libanais, mort dans l'attentat. Un acte qui confirme, un peu plus, la thèse selon laquelle le conflit syrien est en train de se répandre doucement et inexorablement sur les pays voisins. Après la Turquie, la crise syrienne déborde maintenant dangereusement au Liban, un pays poudrière divisé en une incroyable constellation de confessions religieuses (sunnites et chiites, chrétiens, maronites et druzes).