Si durant les deux dernières années, l'augmentation du prix du mouton du
sacrifice a été estimée à 5.000 DA, cette année, elle est de l'ordre de 10.000.
Une hausse qualifiée de folie par de nombreux chefs de famille qui ont tâté le
pouls, depuis une semaine, auprès de certains maquignons qui ont déjà investi
la ville.
Même si une hausse vertigineuse était plus ou moins attendue, son ampleur
l'est moins au vu des projections faites officiellement. A ce propos, suite à
la flambée des prix des viandes ovines du début de l'année et qui ont atteint
des niveaux inégalés, le président du directoire de la SGP Proda avait prédit
une «accalmie» à partir de la fin du printemps dernier en se basant sur les
effets des différents allègements accordés aux professionnels du secteur. Le
même responsable avait révélé que durant l'Aïd El-Adha et la saison du Hadj
écoulés, 4,5 millions de têtes ont été abattues, soit 20% du cheptel national
et que par conséquent, le cycle biologique a été perturbé amenant les éleveurs
à faire des rétentions sur la vente, ceci encouragé par une meilleure pluviométrie
mettant à leur disposition des terrains de parcours. Mais force est de
constater que dans la réalité, ces projections se sont avérées fausses et que
les prix des viandes ovines n'ont pas changé d'un iota et pire encore, plus
l'Aïd approche, plus les prix connaissent une ascension fulgurante démontrant
ainsi que les pouvoirs publics n'arrivent toujours pas à maîtriser ce secteur
en dépit des mesures accordées aux éleveurs. Rencontré en dehors d'Oran, un
éleveur venu écouler une centaine de moutons et qui affirme être un éleveur et
non un maquignon ou un chevillard, estime que dans les conditions actuelles, un
retour vers des prix normaux demeure une utopie. Il considère qu'en raison du
rétrécissement des terrains de parcours en raison de la désertification de la
steppe, les éleveurs ne peuvent en aucune façon revoir à la baisse ces prix en
raison également des cours du maïs qui ont connu une hausse sur le marché
mondial. Et là, notre interlocuteur s'est montré direct dans ses propos en
faisant remarquer ironiquement : «Fini le temps où l'animal se nourrit sur les
terrains de parcours et même en raison des difficultés de déplacement, le
recours aux surfaces céréalières à travers la transhumance n'est plus une
solution avantageuse. De ce fait, seule une alimentation à partir d'aliments
nous permet de continuer tant bien que mal notre profession». Cette réflexion,
faite loin des cercles officiels, démontre une fois de plus que les constats
faits par les pouvoirs publics ne reflètent pas la réalité et le recours à des
mesures d'accompagnement et d'aide ne peut nullement être salutaire, même si
les statistiques sur le cheptel national démontrent qu'il est estimé à plus de
20 millions de têtes. En revanche, ce qui paraît une évolution numérique
engendre un manque à gagner en matière de pâturage, car les zones pastorales ne
pouvaient satisfaire que le quart des troupeaux et cela dès 1985. Alors, que
dirait-on maintenant ? fera remarquer notre éleveur. Cette situation de plus en
plus contraignante a amené les éleveurs à cantonner leurs troupeaux dans des
enclos avec une alimentation loin d'être naturelle, d'où le goût de la viande
en raison de son engraissement. A rappeler que la hausse fulgurante du maïs est
due principalement à sa forte demande exprimée pour la fabrication de
biocarburants. Les chiffres qui nous sont révélés par notre interlocuteur sont
éloquents : 5.700 DA le prix du quintal d'aliment contre 4.000 DA une année
auparavant. Du coup, les éleveurs, afin de se maintenir, estiment qu'ils sont
dans l'obligation de faire des rétentions et ne mettre sur le marché qu'une
partie de leurs troupeaux et selon certaines sources, alors que les besoins du
sacrifice est du Hadj sont évalués à 4 millions de têtes, seules 3,5 millions
seront mises sur le marché. Contrairement à cette thèse, au département
ministériel de Rachid Benaïssa, on est plus optimiste pour affirmer que «la
production nationale répond largement à la demande». Ceci étant, les prix
actuels, plus ou moins négociables jusqu'à 2.000 DA, sont appelés à connaître
une hausse au fur et à mesure que le jour J approche, et ceux qui préfèrent
temporiser en quête de la bonne affaire risquent de ne pas offrir à leur
famille le mouton du sacrifice tant attendu, comme cela a été le cas il y a
trois ans. Ainsi, notre éleveur prédit qu'une bête de 20 kilos de chair,
proposée actuellement à 25.000 DA, atteindra facilement une semaine avant l'Aïd
30.000, un prix qui sera de moins en moins négociable. Devant de telles
explications, un client dira : «Un mouton à deux fois le SNMG, c'est impensable
et perd de sa dimension de sacrifice».