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Prêt de 5 milliards de dollars au FMI : Alger et la roue de la fortune

par Kader Hannachi

L'opération libellée en Droits de tirage spéciaux (DTS) n'est techniquement et économiquement pas si spectaculaire qu'on le croit. Elle indique cependant que l'Algérie, qui a connu dans son histoire très récente un contexte de faillite économique, voit la roue de la fortune tourner en sa faveur grâce à ses ressources énergétiques.

L'Algérie vient d'opter pour l'achat de 5 milliards de dollars de titres du Fonds monétaire international (FMI) libellés en Droits de tirage spéciaux (DTS). Cette décision a surpris les observateurs qui se souviennent que le ministre des Finances, Karim Djoudi, avait déclaré en avril dernier que notre pays n'était pas très disposé à prêter de l'argent ou à souscrire à un emprunt lancé à cet effet par l'institution de Bretton Woods. Mais le décryptage qui en est fait depuis son annonce laisse penser qu'elle a été prise après qu'Alger et le FMI eurent négocié sur une base que les deux parties présentent d'ailleurs comme mutuellement bénéfique.

Disposant d'excédents financiers importants, Alger est plus qu'en mesure de placer une partie modeste de ses réserves de change, 193,7 milliards de dollars en 2012, auprès du Fonds actuellement dirigé par Mme Christine Lagarde qui connaît bien l'Algérie du temps où elle était ministre française de l'Economie durant le mandat de Nicolas Sarkozy. L'institution qu'elle dirige, de son côté, présente toutes les garanties nécessaires à sa solvabilité et à sa volonté de mobiliser le prêt algérien parmi d'autres au profit des pays actuellement en difficulté économique et ayant besoin de financement pour bien conduire leurs projets de développement.

Au plan symbolique, la décision algérienne de souscrire un prêt au FMI est forte de sens. Pendant longtemps, et depuis le milieu des années 1980 et jusqu'à la fin de la décennie 1990, l'Algérie a été au bord de la faillite économique. Menacé par la cessation de paiement, le pays a été obligé de suivre avec les conséquences que l'on sait les cures d'assainissement les plus drastiques préconisées par le «Fonds». Aujourd'hui, la roue a tourné et Alger est sollicitée non point pour redresser ses comptes mais pour leur solidité et pour qu'elle en réserve une partie dans le cadre des contributions du FMI au soutien des économies en crise. Pour les investisseurs étrangers, c'est peut-être un indicateur à ne pas négliger dans la mesure où il donne du pays une image positive en termes de solidité et de solvabilité financière même si les 5 milliards de dollars qu'il prête n'ont pas grand-chose à avoir par exemple avec les 60 milliards de dollars mobilisés par le Japon.

Au plan technique, et d'après le communiqué signé en commun par le ministère des Finances et la Banque d'Algérie, notre pays souscrit à un emprunt en Droits de tirage spéciaux (DTS). Pour rappel, le DTS est un actif de réserve international dont la valeur est basée sur un panier de quatre grandes devises : le dollar, l'euro, la livre sterling et le yen. Il a été créé en 1969 pour compléter les réserves de change officielles de ses pays membres. Depuis septembre 2009, son montant a augmenté de 21,4 milliards à environ 204 milliards d'euros (soit l'équivalent de quelque 310 milliards de dollars, convertis au taux du 20 août 2012). Sa contre-valeur en dollars est affichée quotidiennement sur le site Internet du FMI et sa valeur représente la somme de la part de chacune des quatre monnaies du panier dont se compose le DTS, exprimée en dollars et calculée sur la base du taux de change coté chaque jour à midi sur le marché de Londres.

La composition du panier est revue tous les cinq ans par le Conseil d'administration, ou plus tôt si le FMI est d'avis qu'un changement de circonstances le justifie, «pour veiller à ce que la pondération des monnaies rende bien compte de leur importance relative dans les échanges et les systèmes financiers internationaux». Le prochain réexamen aura lieu d'ici 2015. Le taux d'intérêt du DTS est fixé chaque semaine sur la base de la moyenne pondérée des taux d'intérêt représentatifs de certaines obligations à court terme émises sur le marché monétaire des pays dont la monnaie entre dans la composition du DTS.