Une fois n'est pas
coutume, depuis 2005, on a pris l'habitude de lui rendre visite, chaque année à
cette même période (le 18 septembre), jour où elle fête son anniversaire. Cette
année, le rendez-vous a été légèrement reporté faute de guide pour rencontrer
Khalti Mama. C'est en effet d'elle qu'il s'agit, notre hôte vient tout
simplement de boucler ses 111 ans. Elle est incontestablement la doyenne de la
région. La bonne femme s'appelle Mama Saïdani née Chikh. Elle est née le 18
septembre 1901 à 09 heures du matin dans la commune de Béni-Saf et enregistrée
sous l'acte n°94, comme c'est mentionné sur le livret d'état civil familial.
Elle habite à Sidi-Safi depuis près d'un demi-siècle. Les années passent et
repassent et notre centenaire n'a presque pas pris une ride de plus. Si l'on
vient à décrire brièvement Khalti Mama, c'est une femme petite de taille et
très mince. Certes, elle n'a plus les réflexes d'antan, ses yeux semblent un
peu perdre de leur acuité mais son visage, au vu de son âge, semble moins ridé.
D'une telle lucidité qu'elle ferait rougir un sexagénaire et même un
quinquagénaire. Elle n'a pas eu trop de problèmes de santé dans sa vie. De ses
secrets alimentaires ? Beaucoup de soupe de légumes et du couscous au lait de
vache. On raconte que Khalti Mama a eu toujours un cœur gros comme ça, qu'elle
a toujours su garder le sourire.
Comme l'année
dernière, à peine lui avoir fait savoir la raison de ma présence, Khalti Mama
s'est rappelée qu'on lui a rendu visite plusieurs fois. Avant de citer le nom
de mon père et celui de mon grand-père. Celui-ci est décédé en 1924. Mon
étonnement, voire mon admiration, qu'à chaque question s'affichait une réponse
toute instantanée et surtout toute mesurée. Et quand je lui ai demandé de me
donner son âge, Khalti Mama répondit instantanément : «111 ans». Son petit-fils
Miloud dira qu'elle observe toujours le jeûne le plus normalement du monde et
fait toutes ses prières à l'appel du muezzin. Elle sort, peut-être, de moins en
moins mais quand elle veut se déplacer, c'est Miloud qui l'accompagne dans sa voiture.
Souvent, elle s'installe dans un fauteuil juste sur le seuil de la porte de la
maison, histoire de rester en contact avec le monde extérieur. On raconte que
Khalti Mama était jadis l'accoucheuse du village. Durant plusieurs décennies,
elle était venue en aide à beaucoup de femmes. Khalti Mama a eu 6 enfants, dont
4 sont toujours en vie, qui lui offrirent, jusqu'à ce jour, plus de 70
petits-enfants et arrière-petits-enfants. Aujourd'hui, son seul espoir est de
voir sa pension augmentée. Elle perçoit à peine 6.000 dinars par mois comme
indemnité de vieillesse. Khalti Mama suit un traitement médical lui permettant
de maintenir sa tension artérielle. L'année dernière, l'on se souvient, elle
nous a parlé de son feu époux et d'un de ses fils, Mohamed. Le premier ayant
participé à la révolution et le second tombé au champ d'honneur. Khalti Mama
n'a jamais bénéficié d'un quelconque avantage pécuniaire ou matériel faute de
n'avoir jamais déposé un dossier.