Hormis le risque sanitaire qui peut menacer le déroulement du hadj,
l'Arabie Saoudite craint davantage les débordements «politiques» des pèlerins.
Ryadh a appelé, officiellement, ce jeudi, les futurs hadjis à ne pas
manifester pendant les rites religieux du hadj. L'avertissement des Saoudiens
est d'autant plus clair que les raisons locales et régionales, à caractère
contestataire, sont nombreuses. A travers la voix de son chef des forces de
maintien de l'ordre du pèlerinage, le général Saad Al-Klioui, les autorités
saoudiennes ne toléreront aucune «instrumentalisation» politique de cet
événement religieux. Promettant une réaction «ferme» contre toute
manifestation, le général Klioui, interrogé sur l'intention prêtée aux pèlerins
iraniens d'organiser une manifestation dite de «l'aversion des athées» avec des
slogans hostiles aux Etats-Unis et à Israël, a répondu que «ce genre de
manifestation ne sera pas autorisé». Il souhaitera «la collaboration des
pèlerins avec les forces de l'ordre pour assurer le succès du hadj». Cette
crainte saoudienne est commandée par des manifestations de la minorité chiite à
l'est du royaume wahhabite et des incidents qui ont éclaté dans la région de
Qatif. Rappelons que dans le prolongement des heurts entre forces de sécurité
saoudiennes et manifestants chiites qui ont éclaté après l'arrestation, le 8
juillet dernier, de Nimr Baqer al-Nimr, considéré comme le plus virulent des
dignitaires chiites contestataires dans le Royaume, un rassemblement de
plusieurs centaines de personnes dans la région de Qatif, dans l'est du pays, a
tourné à l'affrontement. Cette flambée de violence est attisée par un sentiment
de discrimination vécu par les deux millions de chiites qui se concentrent à
l'est de l'Arabie Saoudite, riche en pétrole et où les heurts se sont récemment
multipliés entre la police et la minorité chiite qui réclame l'égalité de
traitement en matière d'emploi et de prestations sociales avec les sunnites.
Ces troubles ont pris une tournure violente à l'automne 2011, et au moins six
personnes ont été tuées depuis. De son côté, la famille régnante considère ces
événements comme un nouveau terrorisme qu'elles vont affronter comme elles
l'ont fait auparavant avec Al-Qaïda, alors que la main «étrangère» venue de
l'Iran est souvent citée. Si d'ordinaire, la menace est extérieure, selon la
version saoudienne, cette année, les craintes sont tournées vers l'intérieur et
la peur de voir les chiites locaux en contact direct avec les pèlerins iraniens
soulève les plus grosses inquiétudes. Et ce n'est pas la première fois que
Ryadh interdit toute instrumentalisation politique du hadj puisque l'année de
l'intervention de l'armée saoudienne dans le nord du Yémen contre des rebelles
chiites que Sanaa accusait d'être soutenus par l'Iran, toute manifestation
politique durant le hadj était interdite. La situation en Syrie risque
également de créer des tensions entre pèlerins, de quoi alarmer davantage les
services de sécurité saoudiennes. En 1987, une manifestation de pèlerins
iraniens à La Mecque contre les Etats-Unis et Israël avait dégénéré en
affrontements avec les forces de sécurité, faisant 402 morts, dont 275
Iraniens. Depuis, les pèlerins iraniens ont pris l'habitude de manifester
discrètement dans leurs camps pendant le Hadj pour éviter tout contact avec les
forces de maintien de l'ordre saoudiennes.