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Pour chaque
conteneur importé, les opérateurs économiques algériens paient 500 dollars de
plus que leurs homologues au Maroc, en Tunisie et en Europe. Les surcoûts sont
estimés, par le forum des chefs d'entreprises (FCE) à 640 millions de dollars
en 2011.
La réglementation du secteur maritime en Algérie est tellement rigide, obsolète et très souvent contradictoire, qu'elle porte un sérieux coup au développement économique du pays, de l'avis de nombreux experts qui sont intervenus hier à l'occasion d'une journée d'étude organisée par le FCE et consacrée au transport maritime de marchandises sous le thème : «un potentiel de croissance à promouvoir». «Il faut que cela s'arrête» a tonné Reda Hamiani, le président du FCE. Ce dernier n'a pas mâché ses mots devant nombre de chefs d'entreprises, de responsables de compagnies maritimes et de juristes. Alors qu'au Maroc, à titre d'exemple, l'enlèvement d'un conteneur ne dépasse pas une semaine, en Algérie il faut attendre 27 jours, dira Reda Hamiani en soulignant qu'il faut s'acquitter aussi de 14 formulaires moment ou notre voisin n'exige que deux formulaires pour enlever sa marchandise du port. «Dans le domaine maritime, il est plus facile pour un Algérien de créer sa société à l'étranger que de le faire dans son pays» a déclaré le patron du FCE qui dénonce un «manque de réactivité des autorités» en matière de réglementation. L'expert Abdelhamid Bouarroudj soulignera lors de son intervention que l'offre nationale de transport maritime des marchandises générales est réduite à sa plus simple expression et son évolution a été inversement proportionnelle à celle du commerce extérieur alors que durant les années 80, l'Algérie disposait d'une flotte enviable, parmi les plus importantes du tiers monde en étant classée parmi les 50 premières mondiales. La flotte de la CNAN qui disposait de quelques 80 navires dans les années 1980 est aujourd'hui complètement disloquée, dira l'expert en indiquant que la flotte nationale est constituée aujourd'hui de seulement 16 unités réparties entre 8 vraquiers, 4 navires Multipurpose et 2 navires RO-RO appartenant à la CNAN et un RO-RO et un vraquier appartenant à NOLIS une filiale du groupe CEVITAL. «Nous arrivons en fait à un stade où l'on peut objectivement considérer que l'Algérie ne dispose plus d'un armement pour le transport maritime des marchandises générales» ajoute t-il encore en notant qu' «avec l'effritement de la flotte restante, on peut s'interroger à présent sur le devenir des personnels, notamment les centaines de navigants formés à prix fort et constituant la ressource à la fois la plus précieuse et la plus difficile à reconstituer et également sur les risques qui pèsent sur notre pays en matière de sécurité des approvisionnements et d'exportation». La prise en charge de la majeure partie du transport maritime des marchandises générales à destination de l'Algérie par les armements étrangers, a considérablement modifié le paysage maritime Algérien. Ce dernier est en effet, aujourd'hui, plutôt constitué d'activités de services auxiliaires au transport maritime ; plus particulièrement d'agences maritimes qui ont poussé comme des champignons à la faveur de la libéralisation des activités de consignation, dira M Bouarroudj qui soutient qu'en dehors des agences publiques (GEMA, NASHCO, et des représentations directes des grands transporteurs étrangers (MAERSK, CMA-CGM, MSC etc.), il s'est crée une multitude d'agences privées, de taille et d'importance diverses, assurant, pour la majorité d'entres elles, la consignation de navires de tramping, c'est-à-dire chargés de vrac ou d'autres cargaisons homogènes. «Certaines de ces agences représentent des agents consignataires étrangers, pour le compte desquels elles «sous-traitent» les opérations dans les ports algériens» poursuit notre expert en rappelant qu'il existe aussi les commissionnaires de transport étrangers qui sont, soit installés en leur nom propre, soit représentés par des agents locaux. «A l'exception des anciennes agences d'État, notamment (GEMA et NASHCO), et de quelques grandes agences privées qui représentent des armateurs de lignes traditionnels, les agences de consignation locales, qu'elles appartiennent aux transporteurs étrangers ou commissionnaires de transporteurs, qu'elles soient sous structure locale d'agents consignataires étrangers, ou qu'elles représentent des armateurs de tramping, n'ont aucunement contribué à la création d'une solution à la problématique du transport maritime par des moyens nationaux» se désole Abdelhamid Bouarroudj qui soutient que pour certaines d'entre elles, elles sont source d'hémorragie de devise à travers notamment une concurrence déloyale conduisant à des prix au rabais dont seuls profitent les armateurs qu'elles représentent, une accumulation énorme de recettes locales correspondant à des produits multiples souvent injustifiés qui reviennent aux armateurs et à leur organisation locale ou pire encore pour certaines profitant de la faiblesse des contrôles internes afin de transférer une partie des recettes locales dégagées à partir de marges indues réalisées sur les services locaux sans commune mesure et au détriment des importateurs nationaux. «L'examen des conditions actuelles de prise en charge du transport maritime, qu'il s'agisse de transport proprement dit, ou bien des activités auxiliaires, permet de conclure que celles-ci profitent essentiellement aux opérateurs étrangers» lance l'expert qui indique que les conditions en question pèsent par contre totalement sur les opérateurs économiques nationaux et par conséquent sur le consommateur et l'État. Abdelhamid Bouarroudj affirme que depuis les dernières mesures de contrôle imposées par les douanes et la banques d'Algérie, la structure de la facturation a été modifiée et les armateurs se rattrapent sur un autre volet ; celui des surestaries conteneurs, des frais de stationnement et de manipulation dans les zones extra-portuaires sous douane désignées sous le vocable de « ports secs». L'expert ajoute que suite à une entente entre les armateurs étrangers desservant l'Algérie et sans crier gare une période de franchise de 7 jours, soit au minimum la moitié de ce qui a toujours été pratiqué (entre 15 et 30 jours), des taux de surestaries dépassant toute logique et des frais exorbitants de séjours des conteneurs dans les ports secs sont pratiqués. «La surfacturation que les armateurs de ligne imposent aux opérateurs, au titre des frais de manutention en Algérie peut être estimée à près de 9 milliards de dinars, soit environ 110 millions de dollars US par an» poursuit l'intervenant qui souligne que les frets affichent pour leur part, de façon certaine, un excès d'au moins 10% par rapport à ce qu'ils devraient être, d'où un surcoût à ce niveau de l'ordre de 200 millions de US$ par an. L'expert révèle également que des surcouts important sont relatifs aux surestaries des conteneurs, en faisant savoir, à titre d'illustration, qu'un conteneur de 20' pieds est loué sur le marché international à 1,20 USD dollars /jour, soit pour une période de 90 jours, 108 USD dollars alors qu'il est facturé aux réceptionnaires algériens selon le barème appliqué actuellement pour la période de 90 jours moins la franchise à... 2119 USD soit une marge de 1962%. Le surcoût, en considérant un seul mois de facturation pour un conteneur 20' est de 374 US Dollars par conteneur, et sachant qu'en 2011 il a été débarqué 903.000 EVP, le cout est estimé à 340 millions de dollars, dira encore Bouarroudj qui explique que ces surcouts de l'ordre de 640 millions de dollars représentent globalement la valeur d'achat de plus de 25 navires de lignes. Le constat de cet expert est alarmant. Il soulignera clairement que l'absence d'une flotte contrôlée par des operateurs algériens, pour un pays comme l'Algérie, peut s'avérer, pour le moins, très coûteuse. La situation, ajoute t-il, pourrait être beaucoup plus grave, dans la mesure où l'armement national constitue un outil stratégique, absolument nécessaire à l'indépendance économique du pays et à la sécurité de ses approvisionnements. Le même constat est par ailleurs dressé par M Berchiche, avocat et expert juridique. Pour lui, dans un monde de plus en plus impitoyable, négliger les problèmes de fret équivaut à un suicide économique. Il faut encourager l'exploitation du secteur par notamment la dépénalisation de l'acte de gestion dira t-il en plaidant pour une totale liberté dans la contraction des contrats d'affrètement. L'avocat qui s'interroge sur tous ces textes de lois promulgués et qui ne sont jamais publiés dans le journal officiel appelle enfin à «arrêter de faire des lois sans consulter ceux qui vont les appliquer». |
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