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Le gouvernement Sellal face à la gestion de l'héritage Ouyahia

par Yazid Taleb

Même si elle s'annonce surtout comme «pragmatique» et soucieuse d'éviter les affichages idéologiques, la démarche du gouvernement Sellal va devoir gérer un héritage économique controversé. Les entrepreneurs privés espèrent un retour à l'avant 2008, vers un libéralisme abandonné au milieu du chemin. Le gouvernement semble en tout cas «se bouger» après l'hibernation des deux dernières années.

Le moins qu'on puisse dire, c'est que les annonces ne manquent pas depuis la nomination du gouvernement Sellal. En moins de 15 jours, le nouvel exécutif s'attaque, dans l'ordre, à la réhabilitation du service public, à la résorption du commerce informel ainsi qu'à la distribution des logements sociaux gelée depuis plusieurs mois. Dans la foulée, il annonce que la nouvelle loi sur les hydrocarbures est prête et que les procédures concernant les investissements étrangers vont être «allégées». Pour faire bonne mesure, on apprend également que des Etats généraux de la PME associant l'ensemble des organisations patronales sont en préparation et doivent se tenir en décembre prochain. Ajoutons que dans un certain nombre de cas, il ne s'agit pas seulement d'annonces mais qu'un début d'exécution est déjà constaté sur le terrain, pour les marchés informels ou l'hygiène des villes par exemple.

Cet «activisme» du nouveau gouvernement suggère plusieurs remarques. Il souligne d'abord, par contraste, l'immobilisme qui a caractérisé l'action de l'exécutif algérien au cours des derniers mois voire des dernières années. Il éclaire rétrospectivement l'état de paralysie qui a frappé depuis près de 18 mois, pour des raisons encore non élucidées, le gouvernement Ouyahia dans la gestion des dossiers qui ont constitué le plus clair de l'actualité économique et sociale du pays. Une situation qui permet également de mieux comprendre le caractère désabusé de la plupart des déclarations récentes de l'ancien Premier ministre.

Une autre conclusion évidente semble s'imposer. L'ensemble de décisions annoncées, des mesures déjà mises en œuvre et des orientations consignées dans le programme d'action du gouvernement Sellal - présenté aux députés moins de 3 semaines après son installation - ne peuvent pas avoir été improvisées en 15 jours. Il faut donc que depuis plusieurs mois, et peut être même plus longtemps, la relève ait été prête et qu'une réflexion sur le nouveau cours à imprimer à l'action de l'exécutif ait été engagée, sensible sans doute aux critiques nombreuses dont elle a fait l'objet au cours des dernières années..

VERS UN VIRAGE LIBERAL ?

Le style du nouveau gouvernement suggère de façon explicite, et d'ailleurs médiatisée, à travers en particulier la série de réunions programmées au cours des dernières semaines en présence des ministres et des walis, une volonté de se rapprocher du terrain, de travailler vite et d'enregistrer rapidement des résultats concrets. L'un des enjeux principaux des prochains mois consistera à déterminer si le gouvernement Sellal peut aller plus loin et amorcer par exemple un virage idéologique qui nous ramènerait en gros à la fin de l'année 2008 en gommant progressivement les décisions controversées adoptées au cours des dernières années notamment dans le champ économique. Les extraits rendus publics du programme d'action du gouvernement annoncent que «dans le cadre de la législation en vigueur, les investissements directs étrangers (IDE) seront encouragés et les procédures allégées». Abdelmalek Sellal s'engage «à assainir substantiellement le climat des affaires en Algérie» et à créer les conditions d'attractivité des investissements directs étrangers, «notamment ceux participant au transfert de technologie, à l'exploitation des ressources naturelles du pays et à la création au profit de la main-d'œuvre locale».

Selon le texte, le gouvernement «veillera à réunir les meilleures conditions pour la négociation et la conclusion de partenariats avec les opérateurs de qualité en vue de moderniser l'outil de production. On n'est sans doute pas dans une démarche de remise en cause pure et simple de la règle du 51/49% mais on s'oriente peut être dans une direction préconisée par beaucoup de spécialistes et d'opérateurs économiques nationaux : adopter une réglementation plus souple et mieux adaptée aux spécificités de chaque secteur voire de chaque projet d'investissement

La révision annoncée de la loi sur les hydrocarbures s'inscrit dans la même problématique : assouplir et rendre plus attractive une réglementation qui a eu, au cours des dernières années, un effet répulsif sur le développement du partenariat international ainsi qu'en témoigne l'échec des derniers appels d'offre des autorités du secteur en matière d'attribution de nouveaux périmètres d'exploration.

LES SUJETS QUI FACHENT

Les états généraux de la PME convoqués pour décembre prochain vont fournir également l'occasion d'aborder quelques-uns uns des sujets qui fâchent. A commencer par le thème classique de l'accès au foncier sur lequel le plan d'action du gouvernement formule déjà une série de propositions. Le financement des investissements des PME sera également au menu. Les organisations patronales constatent dans ce domaine quelques avancées notamment à travers l'opération, saluée par elles, de rééchelonnement des dettes de plusieurs milliers d'entreprises privées. Elles continuent néanmoins de souligner que les moyens financiers importants mobilisés en faveur de la création de micro-entreprises depuis le début de l'année 2011 ne peuvent pas se substituer à une action déterminée en faveur du tissu des PME existantes. On ne pourra pas non plus éviter d'aborder l'un des sujets vedette de l'actualité économique des 2 dernières années : la fameuse obligation de recours au crédit documentaire dont la plupart des organisations patronales préconise la suppression pure et simple.