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Le président de la Commission nationale consultative de promotion et de
protection des droits de l'Homme (Cncppdh), Farouk Ksentini, a, une nouvelle
fois, cloué au pilori la Justice algérienne, en estimant que le nombre excessif
des pourvois en cassation, introduits auprès de la Cour suprême, dénote de la
«mauvaise qualité des décisions rendues» : «Chaque année, l'instance suprême
enregistre entre 17.000 et 18.000 recours en cassation et les choses vont en
empirant, ce n'est pas normal ! Si les décisions de justice en première et
deuxième instances étaient équitables et motivées en droit, la Cour suprême ne
serait pas ainsi encombrée», a-t-il asséné en soulignant, à titre de
comparaison, que le nombre de pourvois enregistrés annuellement par la Cour de
cassation française ne dépasse pas 2.500 recours.
Celui qui a fait partie de la commission ?Mohand Issad' sur la réforme de la Justice a également déploré le fait qu'aucune des suggestions et propositions contenues dans le rapport ?Issad' n'a été retenue : «C'est un projet de réforme qui a été complètement détourné et nous avons abouti à autre chose, ce qui est absolument inadmissible !!», s'est emporté, hier, l'invité de la Chaîne 3 de la Radio nationale. Ce que Mohand Issad lui-même avait déploré en 2007, sept ans après avoir soumis le rapport sur le bureau du président de la République : «Le système de la Justice est loin de suivre les recommandations du rapport (?) je ne peux qu'être horrifié et peiné des condamnations prononcées à l'encontre des accusés (?) et je ne peux pas être fier de la Justice de mon pays, lorsque je vois ce grand nombre de mandats de dépôt et mandats d'arrêt internationaux», avait-il confié à la presse. Pour Farouk Ksentini, il faut revenir au rapport ?Issad' pour pouvoir sortir de cette «inflation judiciaire» (toutes les cours sont encombrées à cause des décisions mal rendues) et accéder à cette «justice de qualité» que tous les Algériens appellent de leurs vœux : «Dans le cadre de la réforme engagée, nous avons abouti à un code de procédure civile et administrative qui s'est révélé véritablement catastrophique.». Très remonté contre le sort qui a été réservé au rapport ?Issad', le président de la Cncppdh n'a pas eu assez de mots pour qualifier le texte de loi qui a été élaboré en fin de parcours : «Tous les praticiens vous le diront : nous avons hérité d'un texte d'une rare absurdité, d'une totale incohérence dans la plupart de ses dispositions. C'est un texte qui pénalise le justiciable, complique inutilement les procédures et comporte des incohérences totalement inadmissibles» L'une des causes principales de cette situation ? La formation, selon Farouk Ksentini : «Pour former un bon magistrat, il faut au moins une dizaine d'années ? Or, nous avons qui, aussitôt sortis de l'école, rendent des décisions de justice plus absurdes les unes que les autres. Il faut revoir les choses, de fond en comble, en améliorant la formation professionnelle.» Interrogé sur les disparus (dossier sur lequel il devait être interrogé, hier, par Mme Navanethem Pillay, le haut Commissaire des Nations unies aux droits de l'Homme), le président de la Cncppdh persiste et signe : « l'Algérie n'a strictement rien à cacher. L'Etat algérien a apporté à cette douloureuse question la plus grande partie de la solution à travers la Charte pour la paix et la réconciliation nationale (plus de 95% des familles des disparus ont accepté le principe des indemnisations et de tourner la page)», a-t-il soutenu en reconnaissant qu'il existait peut-être, des dispositions complémentaires à apporter comme «la réhabilitation de mémoire des disparus, qui n'ont pas à être confondus avec les terroristes, ou l'élaboration d'un statut pour leurs familles et une journée des disparus». Disparus dont le nombre n'a pas encore été déterminé, de manière définitive, même si Farouk Ksentini les situe à 7.200 - des familles de disparus et certaines ONG en soutenant d'autres-: «C'est le chiffre arrêté par les services de gendarmerie des 48 wilayas et à notre niveau, nous recensons 6.146 dossiers indemnisés. A ceux qui contestent ces chiffres il demande d'apporter des dossiers !» Quant aux déportés du Sud, ces oubliés de la Réconciliation nationale dont le nombre oscille, selon leurs représentants, entre 15 et 18.000, Ksentini affirme qu'il est apparu qu'ils n'étaient coupables en rien et qu'à ce titre, l'Etat, qui est responsable des dommages moraux et matériels qu'ils ont subis, durant deux années, devra les dédommager. Sur les questions de la détention préventive et la dépénalisation de l'acte de gestion, l'avocat rejoint son confrère, Miloud Brahimi : le recours à la détention préventive est abusive et systématique: «Entre 30 et 35% des détenus (moins de 11%, selon le ministère de la Justice) le sont, ce qui est excessif et ne peut pas justifier la protection des victimes, tel que le prétendent certains magistrats.» Et il faudra impérativement réformer les textes pour permettre aux gestionnaires de prendre les décisions sans peur et loin du climat de terreur. |
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