
Un décret octroie des passeports diplomatiques aux cadres
de l'Etat, à leur famille et qui garantit à son porteur l'immunité notamment à
l'étranger. L'Algérie a décidé qu'il n'y aura plus une autre affaire Nezzar. Le
pays qui a échoué à trouver une solution à ses problèmes économiques, sociaux,
environnementaux et de corruption a fini par trouver la parade pour ne plus
être inquiété une fois en dehors de ses murs. Les officiels algériens, en poste
à l'étranger, ou à la retraite, partis dans une capitale occidentale se faire
soigner, relever les loyers, boire un coup sur une terrasse parisienne ou pour
inscrire leurs rejetons dans des écoles pour oligarques riches, ne seront plus
poursuivis par une justice indépendante, comme cela a été le cas pour le
général Nezzar avec la justice suisse ou du diplomate Hasseni arrêté, en 2008,
en France. Les exemples de ces officiels algériens inquiétés, une fois en
dehors du territoire, sont nombreux, à l'image de l'ancien ministre et patron
du MSP, Soltani. Des cas qui mettent un peu plus au supplice la réputation d'un
pouvoir qui défend férocement les siens. Avec ce décret, le pouvoir creuse une
autre pelletée dans le fossé déjà profond entre l'Algérie d'en haut et les statistiques
d'en bas. Alors que le commun des mortels se retrouve en liste d'attente
prolongée pour avoir son passeport biométrique, se lève à 6 heures pour faire
la queue et s'inscrire sur les registres des rendez-vous annuels, la caste des
privilégiés s'enrichit d'un autre crédit. Celui de l'immunité. Avec ce
passeport, les officiels algériens gravitant dans les cercles proches de la
République ou abonnés aux antichambres du pouvoir, sont libres de faire ce que
bon leur semble sans se soucier d'éventuelles poursuites. Que l'on soit ancien
président de la République ou officiers supérieurs de l'armée, cela se comprend
mais que l'on distribue ces passeports aux épouses, fils et filles, parents,
soeurs et frères du gars alors là il y a de quoi se poser des questions. Cette
démarche a de quoi choquer le reste du troupeau qui a beau encaisser des coups
d'en haut sans broncher mais parfois la pilule est trop grosse pour passer même
avec du coca local. L'impression est palpable d'un pays qui se divise de plus
en plus entre eux et nous, leurs postes et nos ANEM, leurs familles et nos
problèmes de rentrée scolaire, leurs avantages et nos fiches de paie. Mais plus
qu'une impression générale, c'est une réalité qui va renforcer les acquis et
les abus. Citoyens de première zone intouchables, immuables, au-dessus de la
mêlée et de la justice. Le reste s'installe dans le temps et l'ennui, regarde
devant lui l'horizon bouché et attend qu'on lui fixe une date dans l'histoire
pour un passeport qu'il n'est même pas certain de recevoir.