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Comment peut-on devenir ministre ?

par Mohammed Beghdad

Après presque 4 mois d'attente où c'était le calme plat avec un été des plus chaotiques à plusieurs égards. Soudain tout bouge en ce Lundi tel qu'un séisme après cette annonce du nom du nouveau premier ministre qui a pris tout le monde de court. Il faut vite aller à la chasse, chercher les autres têtes qui allaient êtres couronnées dans peu de temps. On veut des noms ? clament les lecteurs.

La journée du Mardi 4 septembre 2012 aura été certainement une journée très particulière pour les prétendants au poste de ministre qui attendent que leur destin soit scellé en 24 heures d'intervalle après la nomination du premier ministre. Les rédactions de la presse se sont quelques peu affolées durant toute la journée avec ces noms de ministrables qui circulaient sur les TV d'Echorouk et d'Annahar ainsi que sur la toile.

La moindre information est disséquée par les internautes qui commentent ces rumeurs avec une certaine dérision. Le ministre de l'éducation nationale a été le favori numéro un de ces discussions. Tous les forums tournaient autour de son maintien ou non. Il y avait d'autres têtes qui était dans le collimateur de la plèbe mais ils l'ont échappé très belle. Il parait même que les enseignants et les élèves qui dépendent de ce ministère vont fêter cette rentrée comme il se doit. Il n'y a que les youyous qui manquent à l'appel. C'était en quelque sorte une véritable délivrance pour ce secteur qui espère avoir mieux avec le nouveau ministre. Mais souhaitons qu'ils ne se trompent pas de jugement en croyant que le même système ait subitement changé comme le pensent une certaine partie des facebookiens.

La question qui nous intéresse est comment devenir ministre dans ce pays ? Vous pouvez venir du néant en devenant subitement à la une de l'actualité. Dès que votre nom circule, la première question est de rechercher ton itinéraire. «Il a beaucoup de chance celui-là», dit-on quelque part. «Comment a-t-on pu vraiment penser à lui ?» Au moment où des centaines, voire des milliers de personnes caressent ce rêve fou depuis qu'on lui leur a mis à l'oreille cette idée d'être un jour en haut de l'affiche.

On a aussi constaté qu'il y a anciens ministres qui sont revenus après presque une décennie d'absence. Durant tout ce temps là, ils se sont abstenus de se parler. Ils ont fait presque le mort. L'essentiel est de se faire oublier jusqu'à leurs têtes pour espérer revenir un jour par la grande porte au grand dam de leurs détracteurs. C'est ce qu'on appelle un retour gagnant sur toute la ligne en étant plus que jamais lavé dans les hautes sphères de tous soupçons. D'une pierre deux coups !

Il y a ceux dont les dossiers ont été complètement dépoussiérés au dernier moment pour que le miracle puisse avoir lieu. «Allô Monsieur le futur ministre ! Préparez vos valises», C'est la fortune qui vient sonner hasardement à votre porte comme si vous étiez tirés au sort parmi tout ce monde qui est à l'écoute du messie. Ah ! Qu'elle est extraordinaire cette loterie.

Ce n'est pas non plus important si vous n'avez jamais fait de la politique dans un parti, vous pouvez à tout instant être appelé à exercer de hautes fonctions lorsque la chance vous sourit soudainement. Cela dépend comment vous réussirez à aborder chaque virage dangereux que vous empruntez. Attention aux marches !

Si vous avez gagné les élections législatives haut la main selon les chiffre officiels, ne vous attendez pas à avoir le grand lot, le plus de ministères régaliens ou ministres tout courts. Vous avez au contraire l'impression de les avoir perdues officieusement, ces élections. La preuve, votre silence l'atteste de la manière la plus flagrante. Contentez-vous de quelques subsides. Rasez les murs en attendant mieux.

Vous pouvez aussi être appelés à devenir ministre si vous venez de créer votre propre parti ou se scinder d'un autre comme si la finalité de la formation politique est d'obtenir un siège de ministre qui est vite squatté par le secrétaire général. C'est comme ça qu'on devient ministre en obtenant zéro siège à la chambre des députés. Vous pouvez narguer le plus grand parti qui vient de rafler la mise. C'est en quelque sorte faire de la gymnastique habile pour finalement atterrir sur un ministère.

Il y a d'autres partis qui disent ne pas être concernés par la composante du gouvernement sauf qu'à son annonce, on retrouve un des leurs qui occupe toujours le poste dans le nouveau staff. A ne rien comprendre. On se demande où se trouve la discipline partisane dans ce manège. Au fait, il ne faut guère s'étonner puisque la mode des redressements des partis est un style fécond chez nous où un député élu sous la bannière d'un parti se retrouve allégrement et sans aucun remords sous le manteau d'un autre. Même l'électeur n'arrive pas à comprendre ces voltes-faces puisque l'éthique est la dernière chose à laquelle puisse penser un élu.

Enfin, j'ai une pensée toute particulière envers ceux dont les noms ont défrayé la chronique dans cette fatidique journée jusqu'à ce que les postes qu'ils convoitaient secrètement étaient presque acquis mais jusqu'à la dernière minute leurs noms ont disparu de la liste des heureux élus de la nation dans le journal impitoyable de 20 heures de l'unique puisque c'est la seule qui détient toutes les vérités. Quel dommage ! Tout le rêve est repoussé à une autre fois. Qui sait ! Que la roue puisse tourner un jour. L'espoir est toujours gardé intact tant que ce mode de scrutin existe.

La vie politique du pays continue à nous réserver encore des surprises qui ne prennent en compte aucune considération logique, ni la composante officielle ni celle sous-terraine de la représentation politique du pays. Il y a qu'autres normes indéchiffrables qui gèrent ce pays et méconnus du grand public. Mais jusqu'à quand donc ces paramètres continuent à subsister 50 années après l'indépendance ?