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La Banque d'Algérie et le ministère des Finances marquent leur territoire

par Yazid Taleb

Entre la Banque d'Algérie (BA) et le ministère des Finances, le débat est apparemment loin d'être clos. Les échanges à distance et par presse interposée entre les deux institutions en charge de la conduite de la politique macroéconomique du pays constituent pour l'instant le plus clair de l'actualité économique de cette rentrée sociale.

En juin dernier la Banque d'Algérie avait, à la surprise générale, mis le feu aux poudres en tirant la sonnette d'alarme à propos de la croissance accélérée des dépenses publiques observée notamment depuis le début de l'année 2011. « Désormais, l'équilibre budgétaire requiert des niveaux de prix des hydrocarbures supérieurs à 112 dollars le baril pendant que les recettes budgétaires totales restent fortement dépendantes de celles, très volatiles, des hydrocarbures » indiquait de façon péremptoire le rapport de la Banque d'Algérie ». Quelques jours plus tard, Karim Djoudi réagissait vivement en invitant à demi-mots la Banque d'Algérie à s'occuper de ses affaires et particulièrement de l'inflation qui a atteint au cours du premier semestre 2012 des niveaux inconnus depuis le début des années 90. Les chiffres publiés récemment par le ministère des finances estiment la hausse des prix à 9,2% à fin juin 2012. L'été ne semble pas avoir calmé l'ardeur des deux protagonistes de ce débat et à peine rentré de vacances c'est à la fois MM Djoudi et Laksaci qui ont tenu à préciser leurs positions et marquer leur territoire dans des interventions publiques à l'occasion du symposium des Banques centrales africaines organisé à Alger dans les derniers jours du mois d'aout.

INFLATION : LA BANQUE D'ALGERIE A FAIT SON TRAVAIL

Difficile de ne pas interpréter les explications fournies par Mohamed .Laksaci sur l'inflation au premier semestre comme une réponse au rappel de la Banque d'Algérie à ses compétences propres. Pour les locataires de la Villa Joly, la Banque centrale a fait son travail dans ce domaine. Au premier semestre 2012, l'accélération de l'inflation en Algérie « est due, en grande partie, à des facteurs internes, notamment le dysfonctionnement des marchés, les positions dominantes et la spéculation, et non pas, comme à l'accoutumée, à l'expansion de la masse monétaire » explique M. Laksaci. L'expansion de cette dernière est d'ailleurs en recul au cours du premier semestre. La Banque centrale a utilisé, pour résorber l'excès de liquidités sur le marché monétaire et atténuer son effet inflationniste, le taux de réserves obligatoires. Il a été porté à 11% à compter de la mi-mai, soit 2 points d'augmentation, alors que la reprise de la liquidité s'est accrue de 250 milliards de DA dès avril 2012 pour atteindre un encours de 1350 milliards de DA. Comme de surcroit M Laksaci ne manque pas de rappeler que l'appréciation du Dinar au cours des premiers mois de 2012 a également contribué à combattre l'inflation importée, on retiendra en substance de son plaidoyer que la Banque d'Algérie n'est pour rien dans l'accélération de l'inflation et que la responsabilité de cette dernière relève plutôt conjointement des compétences des ministères des finances et du commerce. Ce qui implique un nouveau protagoniste dans le débat et annonce peut être une suite à ce feuilleton économico-médiatique.

PRUDENCE SUR LES DEPENSES PUBLIQUES EN 2013

Le ministre des finances n'est pas en reste. Il a voulu répondre aux inquiétudes exprimées à la fois par la Banque d'Algérie qui dénonce un emballement des dépenses publiques et par les commentateurs annonçant un tourd de vis budgétaire pour l'année prochaine. Pour M. Karim Djoudi, qui ne mentionne pour l'instant aucun chiffres, la loi de finances 2013 prévoit un budget « de prudence » mais non pas d'austérité. «Il n'y aura pas de programme de rigueur au sens économique du terme. Il y aura plutôt une gestion beaucoup plus prudente», a déclaré le ministre à la presse. Il assure que le prochain budget de fonctionnement ne va pas opérer des coupes sur les transferts sociaux, ni même sur le soutien des prix. Mieux encore, le budget 2013 « va maintenir la cadence de l'investissement public, seul créateur actuellement de croissance et d'emplois ». Côté emploi, Karim Djoudi a implicitement démenti les restrictions annoncées par la presse sur la création de nouveaux postes dans le secteur public. Il affirme que tous les nouveaux investissements publics réceptionnés vont bénéficier de postes budgétaires et de ressources de fonctionnement. En fait, à l'étape actuelle il est clair que du coté du ministère des finances on table sur une baisse du budget de fonctionnement pour 2013. Celui-ci n'inclura plus les fameux rappels versés en 2011 et 2012 sur les augmentations de salaires accordés aux fonctionnaires. Il faudra attendre la publication des premiers chiffres de la loi de finance, en décembre prochain, pour mesurer l'ampleur réelle de la démarche de prudence annoncée par M.Djoudi.