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Le président égyptien accuse le régime syrien de tyrannie

par Yazid Alilat

La Syrie ne laisse dorénavant plus personne indifférent. Au sommet des Non alignés tenu jeudi et vendredi à Téhéran, le président égyptien Mohamed Morsi a provoqué le retrait de la salle de la délégation syrienne lorsqu'il a, dans son discours, accusé le régime actuel à Damas d'oppressif. Il a même étonné plus d'un lorsqu'il a affirmé, que le régime de Bachar Al Assad doit partir, et a officiellement assuré de son soutien l'opposition syrienne. Morsi a ainsi affirmé que «la révolution en Egypte était un pilier du printemps arabe, elle a commencé quelques jours après la Tunisie, a été suivie par la Libye et le Yémen et aujourd'hui la révolution en Syrie vise le régime oppressif» de ce pays. Des déclarations très mal reçues par la délégation syrienne présente au sommet, qui a quitté la salle pendant le discours du chef de l'Etat Egyptien. Walid Mouallem, chef de la diplomatie syrienne a accusé le président égyptien d'inciter à la «poursuite du bain de sang en Syrie». «La délégation syrienne a quitté la salle pour protester contre le contenu du discours de Morsi qui est une ingérence dans les affaires intérieures syriennes et une incitation à la poursuite du bain de sang en Syrie», a affirmé M. Mouallem, qui faisait partie de la délégation syrienne.

Selon Mohamed Morsi, « seule une intervention efficace extérieure permettra de mettre un terme au bain de sang en Syrie», qualifiant le régime de Damas de «tyrannique», avant d'ajouter que «l'Egypte est prête à travailler avec toutes les parties, y compris l'Iran, pour faire que le sang s'arrête de couler» en Syrie. Avec l'Iran, principal allié de Damas dans la région, la Jordanie et la Turquie, l'Egypte fait partie d'un groupe appelé à se rencontrer pour discuter d'une sortie de crise en Syrie, avec le médiateur de l'ONU et de la ligue arabe Lakhdar Brahimi. La crise syrienne a en fait accaparé le gros des travaux du sommet des Non alignés, dont la résolution finale a appelé à un règlement politique de la crise et l'arrêt des combats.

Jeudi à New York, l'offensive diplomatique de la France au Conseil de sécurité n'a pas apporté les résultats attendus par Paris, en l'absence des chefs de la diplomatie de Chine, de Russie et des Etats-Unis. Une réunion qui s'est achevée en queue de poisson sans résolution ni communiqué. Juste une initiative de plus pour dénoncer la sauvagerie du régime de Damas contre les civils et travailler dans l'humanitaire, à défaut d'obtenir un peu plus de l'ONU qui reste pour le moment profondément divisée sur ce dossier. Paris a ainsi organisé jeudi une réunion du Conseil de sécurité, essentiellement consacrée à la situation humanitaire en Syrie, et dans les pays limitrophes. «Sur le plan humanitaire, il y a des choses qui peuvent avancer, sur le plan politique, il faut bien reconnaître que le Conseil de sécurité est divisé à cause de l'attitude des Russes et des Chinois», a estimé Laurent Fabius, chef de la diplomatie française. «La France est le pays qui est le plus en pointe dans son soutien à l'opposition vis-à-vis de Bachar», a-t-il affirmé. «Nous travaillons beaucoup sur l'unification de l'opposition» afin qu'un futur gouvernement syrien soit «représentatif» et garantisse le respect de toutes les communautés. «Il ne s'agit pas de se débarrasser de Bachar el-Assad si c'est pour avoir ou bien des intégristes ou bien un régime» similaire à celui de Bachar, a-t-il fait valoir. La France a de son côté proposé une aide matérielle et financière aux «zones libérées» pour préparer l'après-Assad et inciter les Syriens voulant fuir à rester dans ces zones. A Madrid, la France et l'Espagne ont estimé que le président Al Assad doit partir pour l'amorce d'un début de résolution de la crise syrienne. «La résolution du conflit dépend de la destitution de Bachar el-Assad, suivie de la mise en place d'un gouvernement, où entrent les représentants de différentes forces politiques en Syrie», a souligné le chef du gouvernement espagnol. Lors de la conférence de presse conjointe avec M.Rajoy, le chef de l'Etat français François Hollande a souligné que la communauté internationale devait persuader la Russie et la Chine de changer de position dans la question syrienne, afin d'en finir avec le chaos en Syrie. Or, cette position de Paris consistant à soutenir l'opposition et amener les autres gouvernements de l'UE à une telle position diplomatique a été dénoncée par la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton, qui, selon son porte parole, a souligné que c'est aux gouvernements et non à l'UE de prendre une telle décision.

Sur le plan humanitaire, la situation est inquiétante. Depuis mars 2011, plus de 26.000 Syriens, en majorité des civils, ont été tués selon l'organisation syrienne de défense des droits de l'homme (OSDH). Au moins deux millions de personnes ont dû fuir leur maison et les violences pour s'installer ailleurs dans le pays et des centaines de milliers d'autres se sont réfugiées principalement en Turquie et en Jordanie, au Liban et même en Irak et au Maghreb, selon des estimations de l'ONU. Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés, le flux des réfugiés syriens dans les pays voisins continue à augmenter et le mouvement s'accélère avec 15.000 arrivées de plus en trois jours. «Le nombre total de réfugiés enregistrés, ou attendant d'être enregistrés était de 228.976 à la date du 29 août», a souligné hier vendredi le HCR.

D'autre part, la situation sur le front militaire n'a pas vraiment évolué avec des affrontements intenses à Alep et Damas notamment, dont les accès ont été fermés vendredi, alors que devait être organisée comme chaque semaine après la prière du Vendredi, une manifestation contre le régime. Le mot d'ordre de la manifestation de ce vendredi était «nous ne cèderons pas».