|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
« Honoré, flatté, empli d'humilité et effrayé». Lakhdar Brahimi a
utilisé des mots qui en disent long sur les difficultés qui l'attendent sur un
front syrien qui déteint inexorablement sur le voisin libanais.
L'ancien diplomate algérien qui venait de rencontrer, vendredi, le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-Moon, a assuré que sa mission sera guidée par le seul intérêt du peuple syrien. Le peuple syrien «passera avant tout. Nous mettrons ses intérêts au-dessus de tout. Nous tâcherons d'apporter de l'aide autant que nous pourrons, nous n'économiserons pas nos efforts», a déclaré M. Brahimi devant M. Ban, avant de s'entretenir avec d'autres ambassadeurs à l'ONU. Comment déterminer l'intérêt du peuple syrien dans un contexte d'intervention externe massive et de polarisation communautaire et confessionnelle qui tourne au sectarisme, n'est pas la moindre des difficultés qui l'attendent. Le nouvel émissaire de l'ONU, attaqué par l'opposition syrienne avant même le début effectif de sa mission, et critiqué à Damas pour avoir utilisé le terme de « guerre civile » a eu des assurances du vice-ministre syrien des Affaires étrangères, Fayçal Meqdad. Celui-ci a déclaré que la Syrie coopérerait avec Lakhdar Brahimi, afin de mettre en place «un dialogue national» au «plus vite». Le secrétaire général de l'Onu Ban Ki-moon a utilisé des termes très généraux sur la mission de Lakhadar Brahimi, qui jouissant du «plein respect et du soutien entier de la communauté internationale aura « pour tâche essentielle, d'apporter en Syrie la paix, la stabilité, et la promotion des droits de l'Homme». Lakhdar Brahimi a discuté avec l'ambassadeur français à l'ONU. Le ministère russe des affaires étrangères a indiqué dans un communiqué que Lakhdar Brahimi partage la position de Moscou sur la nécessité de régler la crise syrienne sur la base des accords de Genève et, se dit prêt à travailler avec toutes les forces politiques et tous les Etats susceptibles de ramener la paix dans ce pays. Brahimi s'est entretenu vendredi par téléphone avec le chef de la diplomatie russe Sergueï Lavrov. «La Russie a réaffirmé son soutien aux efforts visant à mettre un terme le plus vite possible à l'effusion du sang, et à engager un dialogue politique entre les parties belligérantes sur la base du plan de paix de Kofi Annan [?] et du communiqué final de la rencontre du Groupe d'action sur la Syrie à Genève», indique le communiqué russe. SUR LE TERRAIN, LA GUERRE? Sur le terrain, la situation est bien « effrayante » pour reprendre la formule de Lakhdar Brahimi. L'armée a continué à pilonner des quartiers d'Alep et poursuivait son offensive dans les zones proches de Damas, où plus de cent personnes ont été tuées. Le bilan des victimes donné par les sources d'opposition est de 25.000 morts, la plupart des civils, tandis que plus de 200.000 syriens se sont réfugiés dans les pays voisins. Les combats se concentrent à Alep au niveau de la vieille ville pratiquement désertée par ses habitants. L'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH ? opposition) affirme que plus de 4.000 morts ont été enregistrés au cours des trois dernières semaines. Ce qui serait un signe de durcissement du conflit. Vendredi, des manifestations ont été organisées, une journée, où le nombre de morts a été, toujours selon l'OSDH, de 185 dont 115 civils, 36 soldats et 34 rebelles. En Syrie, les salafistes, partisans d'une figure de l'opposition au régime, Cheikh Adnane Aroure, entendent concentrer les attaques contre le littoral syrien afin d'en expulser les alaouites. « La nation islamique veut déplacer la bataille vers les quartiers et les régions nassirites (appellation désignant aussi les alaouites) pour déraciner les chabbihas de leurs repaires ». FRAYEURS LIBANAISES Au Liban, où les autorités tentent, depuis le début de la crise syrienne, d'en éviter l'impact, la situation semble se dégrader inexorablement. A Tripoli, les affrontements à base confessionnelle ont fait, samedi, en tout 15 morts et 112 blessés, selon un responsable des services de sécurité. Un adolescent de 16 ans appartenant à la communauté alaouite (branche du chiisme) a succombé à ses blessures après avoir été touché vendredi dans des combats à la roquette et à l'arme automatique, entre un quartier alaouite soutenant le régime syrien et deux quartiers sunnites hostiles à Damas. Les affrontements opposent principalement le quartier alaouite de Jabal Mohsen (nord-est de Tripoli) à ceux sunnites de Bab el-Tebbaneh (nord) et Qobbé (est). La ligne de démarcation entre Jabal Mohsen et Bab el-Tebbaneh s'appelle, tout un symbole, la rue de la Syrie. Cette dérive communautaire et confessionnelle du conflit en Syrie, déteint sur le Liban, dont la fragilité est aggravée par la dépendance externe de la classe politique. Le Premier ministre libanais Najib Mikati s'est dit «inquiet» des tentatives d'entraîner le Liban dans le conflit syrien. Paris et Washington ont également fait part de leur inquiétude d'une »réaction en chaîne à partir de la Syrie», tandis que l'ONU a appelé à soutenir davantage le Liban face aux risques de déstabilisation. La Russie s'est dit hostile à toute ingérence étrangère dans les affaires intérieures du Liban, et s'est dit « sérieusement préoccupée par la situation à Tripoli, la deuxième grande ville libanaise, et appelle toutes les parties à cesser les violences et à respecter la trêve conclue mercredi avec le concours du premier ministre libanais Najib Mikati». La seule bonne nouvelle sur un théâtre libanais à haut-risque est la libération d'un des onze pèlerins chiites libanais retenus en otages depuis mai en Syrie. L'otage est arrivé en Turquie. Mais les tensions interlibanaises - qui se sont exprimées aussi par des enlèvements en réponse à des enlèvements de citoyens libanais par les opposants syriens ? restent vives et aisément inflammables. |
|