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Le pire n'est jamais sûr, il n'est jamais exclu. Dans
les pays institutionnalisés et structurés, des institutions existent pour
imaginer les scénarios du pire, susciter les alertes et réfléchir aux moyens de
l'éviter. Dans les pays fermés où mêmes les institutions qui sont censées
réfléchir sont astreintes aux règles des allégeances et de la soumission, le
pire n'est jamais envisagé. Il arrive simplement. Toujours, comme s'il était
tombé du ciel.
En Syrie, la mécanique aveugle est en train d'aller jusqu'au bout (et on ne voit pas ce que Lakhdar Brahimi va faire dans cette galère), le pouvoir comme l'opposition pariant sur un changement «qualitatif» sur le terrain militaire. Pourtant, toutes les données indiquent que c'est une longue guerre d'usure qui s'installe. Il y a déjà une grande victime de cette confrontation où les intérêts extérieurs, puissants et déterminés, ont rendu impossible toute quête de compromis, cette victime est l'Etat national aspirant à transcender les clivages religieux, communautaires et tribaux. Ce projet d'Etat national syrien est bien fini, des Syries multiples, faibles et ennemies entre elles se mettent en place derrière les violences et les guerres médiatiques. L'Etat national, imparfait, antidémocratique, dictatorial, est en train de disparaître, des entités sectaires, tribales s'apprêtent à le remplacer et à se partager les dépouilles. Le phénomène s'arrêtera-t-il en Syrie ? Intellectuellement, le pire est toujours à envisager même s'il n'advient pas. C'est une manière de réfléchir sur les moyens de l'éviter ou bien sur les causes qui y mènent. Mais dans nos pays, le pire n'effleure jamais l'esprit de ceux qui dirigent - et parfois aussi ceux qui s'opposent à eux -, jusqu'à ce que ses effets se déploient. L'Irak, dans la foulée du conflit syrien, est en train de connaître une résurgence d'attentats et de contre-attentats entre chiites et sunnites. Le terrain était déjà préparé par la déconstruction de l'Etat national par la guerre américaine, le conflit syrien le ravive. Dans un tel contexte régional où les régimes «sunnites» et surtout moyenâgeux du Golfe estiment le moment venu de porter l'estocade à ce qu'ils appellent «l'arc chiite», beaucoup de Libanais sont dans un état de grande appréhension. C'est qu'ils ont connu le pire avec la guerre civile. Le risque d'une contagion de la brutale déconstruction syrienne à leur pays n'est pas une hypothèse d'école. Il y a eu ces derniers jours des signes inquiétants pour la paix communautaire imparfaite qui règne dans leur pays. Et beaucoup pensent que la prochaine guerre civile, si elle n'est pas évitée, sera fatale pour le Liban. Le système libanais est politiquement ouvert mais il est institutionnellement fermé dans le communautarisme qui entrave la logique citoyenne. Une bonne partie de la classe politique libanaise ne fonctionne que dans le jeu des alliances externes. C'est ce qui fait que le Liban est un champ de bataille permanent : guerre froide, régime «progressistes» contre «réactionnaires»? Ces catégories paraissent «nobles» comparées au poison sectaire qui se joue aujourd'hui. Officiellement, toutes les forces politiques libanaises s'entendent pour éviter une extension de la guerre syrienne chez eux. Concrètement - en raison des allégeances externes et pour certains la croyance que «l'opportunité» est venue d'en finir avec le Hezbollah - ils s'y impliquent allègrement et avec légèreté. Et pourtant, au Liban, le pire est toujours envisageable. |
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