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Les banques algériennes seront «notées» en 2013 : Une agence de notation, pour quoi faire ?

par Salem Ferdi

Hormis les bilans annuels qui présentent une image comptable de l'activité, l'information publique sur les banques en Algérie reste faible. La création d'une agence de notation va y suppléer : les banques seront notées en 2013. Tous les spécialistes ne sont pas enthousiastes. Une agence d'incubation de projets serait plus utile, selon eux, qu'une agence de notation pour une «vingtaine de banques».

Le gouverneur de la Banque d'Algérie, Mohamed Laksaci a déjà annoncé que les banques allaient être notées en 2013. L'Algérie va se doter de l'instrument qui le permet : une agence de notation. Selon le Délégué général de l'ABEF, M. Abderrezak Trabelsi, trois options sont sur la table : une agence locale, une société mixte en partenariat avec une agence de notation étrangère, ou plusieurs agences de notation. Rien n'a été encore décidé, a-t-il indiqué, en soulignant que de tels outils de notation sont nécessaires aussi bien pour les banques, que pour les entreprises et compagnies d'assurances «car l'information est capitale dans une économie de marché». Un système de notation établi par la Banque centrale avec la collaboration du FMI et du Trésor américain a déjà été adopté en 2011. Il vise, selon M.Laksaci «à renforcer la capacité de détection précoce de vulnérabilité des banques, et établissements financiers, afin de préserver la stabilité du système financier mais aussi la protection des déposants». Selon le Délégué général de l'ABEF, la Banque d'Algérie est en train d'élaborer les critères de fonctionnement de ce système de notation (intervenants, parties habilitées à donner l'information et à la publier), mise en place de l'outil informatique et formation du personnel. La notation permettra de faire «une évaluation précise de risques des banques» et aidera notamment à fixer les taux d'emprunt sur le marché inter-bancaire qui seront établis en fonction de la solidité financière de chaque banque.

UNE «NOUVELLE ORIENTATION»

La Banque d'Algérie a annoncé que les banques seront «notées» dès 2013 sur la base du système de notation adopté en 2011. La Banque d'Algérie a testé le système sur deux banques (publique et privée) pour «voir de manière pratique, le mode d'application de la notation» a indiqué Mohamed Laksaci.»C'est une nouvelle orientation de la supervision sous l'angle des risques, car le système de notation permet de classer les banques selon le niveau de leurs performances, par rapport au niveau de leur maîtrise des risques», a indiqué de M. Laksaci.

Le système sera appliqué à toutes les banques en 2013 et cela «donnera une orientation plus opérationnelle à l'approche de risque de la supervision». Le système de notation prend en compte plusieurs indicateurs de solidité financière, outils de contrôle et d'évaluation, dont le ratio de solvabilité, le rendement des fonds propres, des actifs ainsi que la gestion de liquidité et des risques bancaires. Certains spécialistes se posent la question de la nécessité de créer une agence spécialisée «pour suivre une vingtaine de banques». Ils admettent néanmoins que cela n'est pas mauvais, que la supervision bancaire assure un minimum de transparence et d'information sur l'observation des règles prudentielles par les banques dans leur pratique courante.

UNE LECTURE FINE DE L'ETAT DE LA BANQUE

La publication du bilan annuel, une obligation légale est en effet loin d'y satisfaire. Le bilan présente une image comptable de l'activité partielle, alors que l'approche prudentielle se fonde sur l'observation de ratios de liquidité et de solvabilité. Il y a une différence entre la performance annuelle d'une banque et le suivi de ses équilibres internes. Les agences permettent une lecture bien plus fine et en temps réel de l'activité, en fonction des équilibres structurels. Les banques doivent communiquer leurs données en permanence aux agences de notation. Ce «reporting» est une obligation pour les banques, si elles veulent être notées. «Si elles ne sont pas notées, elles sont hors marché, explique un spécialiste. Les banques font du reporting réglementaire à la Banque centrale, et du reporting opérationnel aux agences de notation qui assurent un suivi permanent. Les informations transmises portent notamment sur les grandes structures d'engagement, les fonds propres sous leurs diverses compositions, l'épargne collectée, les crédits consentis? «Ces données sont affinées pour donner une vision claire de la situation, et des perspectives de la banque.

UN RATIO DE SOLVABILITE PAS VRAIMENT «REJOUISSANT»

Ainsi, par exemple, une banque qui a peu de fonds propres (capital et emprunts à long terme), ne collecte que des dépôts à vue et prête à long terme, est dans une posture critique du point de vue des ratios de solvabilité, même si sa liquidité peut être très correcte» explique un spécialiste des questions bancaires. Il souligne que ces ratios existent depuis longtemps avec leurs modes d'application et ne saisit pas pourquoi on a éprouvé le besoin de solliciter l'aide du FMI, et du Trésor américain. Ce même spécialiste s'étonne de la satisfaction exprimée par le gouverneur de la Banque au sujet du ratio de solvabilité des banques qui a atteint 24% à la fin 2011. Pour M.Laksaci, un «ratio de solvabilité à 24% est très appréciable, surtout que le même ratio est nettement plus inférieur dans les pays frappés par les crises économiques et financières». «Les ratios de couverture de 24% sont peut être «rassurants», mais ils montrent surtout une capacité de crédit non employée» estime un expert en notant que cela signifie de manière prosaïque que les banques ne «parviennent pas à prêter». «Cela n'a rien de glorieux dans une économie comme la nôtre qui a besoin d'investissements productifs et qui doit créer de nombreux emplois». «Au lieu de créer des agences de notation pour 20 banques, on ferait mieux de créer des agences d'incubation de projets» suggère-t-il.