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Oran : Des réfugiés à prendre en charge

par Moncef Wafi

Une centaine de subsahariens se sont installés, depuis un peu plus de trois semaines, sur les trottoirs adjacents à la gare routière de Yaghmoracen à Oran et plus particulièrement l'avenue du Lieutenant Ismaïl. Des femmes et des enfants, en grande majorité, constituent ce contingent, premier du nom, puisque selon certaines indiscrétions récoltées parmi ces «réfugiés», on annonce d'autres venues. Une sorte de tête de pont qui s'est installée à Oran pour ouvrir la voie à d'autres migrants. Mohamadou, 22 ans, atteint de poliomyélite, est le seul à parler assez correctement en arabe. Un apprentissage de la langue fruit de son séjour de plus d'une dizaine d'années à Tamanrasset. Originaire des Haoussa, l'un des six grands groupes ethniques au Niger, il dit avoir fui le Niger à cause de la faim et des violences. Présent depuis presque deux semaines à Oran, il a appelé Nacirou, son jeune frère de 13 ans, à le rejoindre. «Les gens se déplacent en bus depuis Tamanrasset pour venir ici», dira-t-il. Son frère acquiesce. Débrouillard comme pas un, Mohamadou a déjà son idée sur les gens qui ont élu «domicile» dans le coin. «Ce sont des femmes accompagnées de leurs enfants en bas âge qui n'ont comme meubles que des couvertures crasseuses et quelques ustensiles pour cuisiner», dira-t-il en ajoutant qu'ils vivent de la charité des gens. «La mendicité est le seul recours pour ces familles pour nourrir leurs enfants», expliquera Samir, un gardien de voitures du coin. Des couvertures sont étendues sur les murs ou à même le trottoir pour prendre l'air et des femmes, le regard ailleurs, adossées à l'un des murs d'enceinte de la gare routière de Yaghmoracen. Des conditions de vie drastiques dénuées du minimum hygiénique. Boubakeur, la quarantaine, se dit lui aussi des Haoussa, arrivé à Oran via Tamanrasset. Dans un arabe approximatif, suppléé par Mohamadou, il affirme fuir la guerre qui se déroule au nord du Niger. Un argument brandi par la majorité de ces réfugiés. Rappelons que la partie septentrionale du Niger a renoué avec des violences armées en novembre dernier.

Ces migrants nigériens vivent pour le moment dans le dénuement le plus total et à partir de 16h, en ces jours de Ramadhan, des citoyens leur apportent, spontanément, de la nourriture et de l'eau potable.

Une charité citoyenne qui contraste singulièrement avec le silence «gêné» affiché par les autorités locales, si ce n'est les différentes patrouilles de police qui inspectent les alentours. Un silence qui s'expliquerait, peut-être, par l'absence de directives d'Alger quant au sort et au statut qui doit leur être réservé. Selon certaines sources, les migrants subsahariens sans aucun papier seraient entre quatre à cinq mille autour d'Alger ; trois mille environ autour de Tamanrasset ; près de deux mille à Djanet et cinq à huit cents près d'Oran et de Maghnia.

En 2010, le Réseau euro-méditerranéen des droits de l'homme (Remdh), basé à Copenhague (Danemark), a dressé un véritable réquisitoire à l'encontre de l'Algérie concernant la situation des migrants, demandeurs d'asile et autres réfugiés vivant sur son sol. Manquements aux engagements internationaux, non-respect de ses propres lois, discrimination, racisme et manipulation des données présentées aux institutions onusiennes, en passant par les violations des droits de l'homme, rien n'est épargné à l'Algérie. En cause, le Bureau algérien pour les réfugiés et les apatrides (Bapra), en place depuis 1963 et relevant du ministère des Affaires étrangères. Bien que celui-ci ait la compétence exclusive pour se prononcer sur les demandes d'asile et reconnaître le statut de réfugiés aux personnes reconnues comme telles par le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés (UNHCR), le taux de reconnaissance pour les demandeurs d'asile subsahariens est invariablement de 0%, souligne le Remdh.