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Syrie : La bataille d'Alep se poursuit

par Yazid Alilat

La crise syrienne a franchi, hier, mercredi un nouveau pas dans une longue guerre civile après les déclarations du président Bachar Al Assad, qui a appelé l'armée à faire face aux «terroristes», alors que l'opposition met les bouchées doubles pour former un gouvernement de transition et combattre, sur le terrain, les troupes du régime. Les combats ont été particulièrement violents dans la nuit de mardi à mercredi ? dans la ville d'Alep où certains quartiers ont été pilonnés par des avions de combats et des hélicoptères, selon l'opposition et l'ONU. Plusieurs obus se sont abattus, mardi soir à Alep, où des hélicoptères sont intervenus pour pilonner des quartiers aux mains des rebelles. Les combats dans cette ville de 2,5 millions d'habitants qui la fuient par milliers chaque jour, sont particulièrement intenses, les deux camps utilisant l'artillerie lourde, selon des observateurs. Après la prise de trois commissariats mardi, l'opposition a pour objectif la prise des sièges des services de renseignements pour s'assurer le contrôle d'Alep, alors que les forces armées syriennes bombardent aux armes lourdes certains quartiers aux mains des insurgés, sans parvenir à avancer. A Damas, les combats ont également repris, et touchent maintenant plusieurs quartiers, les affrontements ayant repris mardi soir avec des tirs nourris et des explosions, dans plusieurs quartiers hostiles au régime, ont affirmé des militants, forçant de nouveau, les troupes loyalistes à gérer deux fronts à la fois.

Hier à l'aube, une explosion et des tirs intenses ont été entendus dans la rue Bagdad, grande artère menant au centre-ville et à Bab Touma, autrefois très prisée des touristes, selon les comités locaux de coordination (opposition). Face à la résistance des combattants de l'opposition, embrigadés au sein de l'armée syrienne libre, que plusieurs pays voisins alimentent en armes lourdes, dont des lance-roquettes, selon des gouvernements occidentaux, Bachar Al Assad est sorti mercredi de son long mutisme pour stigmatiser «l'ennemi de l'intérieur» qui veut déstabiliser le pays. Discours démagogique, populiste dans une conjoncture extrêmement préoccupante pour l'avenir de la Syrie en tant qu'Etat. Pour le président, l'armée livrait une bataille «cruciale» pour le destin du pays. Dans un discours publié par l'agence «Sana» à l'occasion du 67ème anniversaire de l'armée, il a affirmé que «l'armée livre une bataille héroïque et cruciale dont dépend le destin de notre peuple et de notre nation». Pour lui, «l'ennemi se trouve aujourd'hui parmi nous, utilisant les agents de l'intérieur comme un moyen pour déstabiliser la patrie, la sécurité du citoyen et continuer à épuiser nos ressources économiques et scientifiques». Un brin nostalgique, il n'hésite pas à lancer : «vous les hommes de la patrie, vous avez participé aux épopées les plus merveilleuses et montré, en faisant face à la guerre livrée contre notre pays aux bandes terroristes que vous avez une volonté de fer et une conscience vive».

Des observateurs de l'ONU en Syrie ont affirmé mercredi, que les troupes régulières avaient eu recours à des avions de chasse pour tirer sur la ville d'Alep. Les observateurs à Alep «ont vu hier un avion de chasse tirer» sur la deuxième ville de Syrie, a affirmé Sausan Ghosheh, porte-parole de la mission de l'ONU. Selon le colonel Al Oqaidhi, les rebelles préparaient «depuis des mois la bataille d'Alep» et qu'ils avaient attendu de «libérer» la province avant de rentrer dans la ville. «Nous avons accéléré la bataille (lancée le 20 juillet) pour relâcher la pression sur nos frères qui combattaient à Damas», a-t-il ajouté.

ALEP SANS NOURRITURE, CRISE HUMANITAIRE

«Nous avons maintenant la confirmation que l'opposition possède à Alep des armes lourdes, dont des chars», a-t-elle ajouté. «Nous sommes très inquiets au sujet de violents combats à Alep. Ces dernières 72 heures ont vu un accroissement important du niveau de violence dans le sud-est de la ville, autour du quartier de Salaheddine et il y a des informations sur des victimes et des déplacements de population», a noté Mme Ghosheh, basée à Damas. «Beaucoup de gens ont trouvé des refuges temporaires dans des écoles et autres bâtiments publics, dans des quartiers sûrs. Nous savons qu'il y a aussi une pénurie de nourriture, de carburant et de gaz», a souligné la porte-parole.

Face à la crise humanitaire qui se dessine en Syrie, l'Organisation de la coopération islamique (OCI) a tiré la sonnette d'alarme mardi, estimant qu'il faudrait au moins un demi-milliard de dollars (400 millions d'euros) pour répondre aux besoins de la population. « Nous appelons à augmenter les efforts humanitaires et la coopération entre les organisations internationales et régionales pour apporter une aide d'urgence au peuple syrien, en Syrie et dans les pays voisins», a déclaré Ekmeleddin Ihsanoglu, président de l'OCI. «Le montant de l'aide nécessaire pour la Syrie est de 500 millions de dollars», a-t-il précisé, lors d'une conférence de presse au siège de l'OCI. Par ailleurs, l'Assemblée générale de l'Onu doit se réunir jeudi, pour évoquer la situation en Syrie et pourrait, selon certains diplomates, voter en faveur d'une résolution saoudienne condamnant le Conseil de sécurité pour avoir échoué à prendre des mesures contre Damas. Selon des diplomates de l'Onu, une résolution exprimant «de graves préoccupations face à l'escalade de la violence en Syrie, notamment les violations continues, répandues et systématiques, des droits de l'homme», pourrait être adoptée à cette occasion.

Les grandes puissances restent divisées sur la marche à suivre en Syrie, alors que l'opposition syrienne reste toujours divisée sur la nature du gouvernement de transition et ses principaux responsables. Le débat tourne sur le rôle des opposants de l'intérieur et de l'extérieur et leur place dans le futur gouvernement de transition, et qui ne serait pas forcément un gouvernement d'exil, l'opposition de l'intérieur refusant cette option.