|
![]() ![]() ![]() Rejet des arguments d'immunité et de souveraineté : Poursuites judiciaires contre Khaled Nezzar validées en Suisse
par Salem Ferdi ![]() Le tribunal fédéral suisse (TPF) a tranché sur le dossier numéro «
BB.2011.140 » pour conclure que le général Khaled Nezzar, ancien ministre de la
Défense, ne pouvait se prévaloir d'une immunité pour éviter les poursuites
judiciaires qui ont été engagées contre lui en Suisse. Il ne peut non plus
invoquer l'argument de souveraineté et de non-ingérence.
La décision, qui ne préjuge pas du fond, signifie que la procédure judiciaire engagée contre lui par l'association Trial de lutte contre l'impunité et par deux Algériens résidant en Suisse l'accusant de crimes de guerre va se poursuivre. L'association Trial qui a diffusé, hier, l'information a qualifié la «décision d'historique» car elle «offre des perspectives importantes pour la lutte contre l'impunité sur la base de la compétence universelle». Et de fait, en tranchant aussi bien sur les questions de compétence que sur l'invocation de l'immunité ou de la souveraineté, la décision du tribunal fédéral ouvre le chemin à la poursuite de l'instruction et l'organisation éventuelle d'un procès. Cette instruction avait été suspendue à la suite d'un recours déposé par Khaled Nezzar. L'ancien ministre de la Défense avait été arrêté à Genève le 20 octobre 2011. Il avait été entendu pendant deux jours par le Ministère public de la Confédération suisse et avait été libéré contre une promesse de participer à la suite de la procédure. Celle-ci avait été suspendue à la suite de la saisine du tribunal d'un recours en annulation des poursuites. Les avocats de l'ancien ministre de la Défense ont fait valoir que ses fonctions de ministre de la Défense et membre du Haut Comité d'Etat le protégeaient des poursuites. Pour les juges fédéraux, ces arguments ne sont pas recevables et l'immunité ne peut être invoquée pour des faits graves constitutifs de crimes de guerre. «Il serait à la fois contradictoire et vain si, d'un côté, on affirmait vouloir lutter contre ces violations graves aux valeurs fondamentales de l'humanité, et, d'un autre côté, l'on admettait une interprétation large des règles de l'immunité fonctionnelle (ratione materiae) pouvant bénéficier aux anciens potentats ou officiels dont le résultat concret empêcherait, ab initio, toute ouverture d'enquête». SOUVERAINETE ET «MOYENS LEGITIMES» Le tribunal fédéral suisse a également rejeté l'argument que les poursuites engagées constituaient une ingérence de la Suisse dans «les affaires intérieures algériennes et porte atteinte à la souveraineté de cette nation». Il admet que le principe de non-ingérence est fondé en Droit international et que l'article 3 du Protocole additionnel aux Conventions de Genève du 12 août 1949 relatif à la protection des victimes des conflits armés non internationaux (Protocole II) souligne qu'aucune disposition «ne sera invoquée en vue de porter atteinte à la souveraineté d'un Etat ou à la responsabilité du gouvernement de maintenir ou de rétablir l'ordre public dans l'Etat ou de défendre l'unité nationale et l'intégrité territoriale de l'Etat par tous les moyens légitimes». Cependant, lit-on dans l'arrêt, «actuellement, cela n'est plus aussi évident». Pourquoi ? Parce que des «normes internationales spéciales posent des exigences de démocratie» et la «compétence des Etats auxquels elles sont opposables n'est plus nationale et une prise de position étrangère ne peut plus s'analyser comme une ingérence». Le tribunal met aussi en exergue le commentaire du CICR qui souligne que seuls «des moyens légitimes» peuvent être utilisés. EN RATIFIANT, L'ALGERIE A ACCEPTE Les impératifs de sécurité de l'Etat ne peuvent être invoqués. Un Etat, en ratifiant le Protocole II ou en y adhérant, en accepte les termes dans le libre exercice de sa souveraineté. L'obligation de respecter les règles qu'il contient ne saurait, par conséquent, être ultérieurement considérée comme une atteinte à la souveraineté de l'Etat signataire, le champ d'action du gouvernement ne se trouvant limité que par des obligations qu'il a lui-même contractées. Le tribunal considère que l'Algérie, en ratifiant les Conventions concernées «s'est elle-même soumise aux obligations qui en découlent et a ainsi librement consenti à voir ses ressortissants suspectés d'avoir commis des crimes de guerre poursuivis en dehors de ses frontières». Le droit suisse autorise la poursuite de certaines infractions au droit international, notamment les violations des Conventions de Genève, dès lors que le suspect se trouve sur le territoire suisse. |
|