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Doutes sur la viabilité économique des chaînes TV privées Algériennes

par Salim Hairouz

Des chaînes de télévisions privées algériennes ont commencé à exister sans attendre la loi sur l'audiovisuel. Elles apportent une diversification dans le paysage médiatique audiovisuel algérien et bousculent le ronron solitaire de l'Entv. Mais des experts expriment des doutes sur la viabilité économique de ces nouvelles télévisions. L'un deux explique pourquoi.

Les nouvelles télévisions privées algériennes ? au nombre de trois pour le moment ? sont reçues par satellites. Elles tentent d'échapper au modèle de l'Entv et elles y parviennent plus ou moins puisque de nombreux téléspectateurs trouvent que les programmés sont plus « variés » et ont un « ton plus libre ». « Regardez, ici c'est El Nahar TV que les gens regardent » constate un trentenaire rencontré dans un café à Alger. Ces nouveaux arrivants dans le paysage audiovisuel algériens gagnent de plus en plus d'audience. Une étude récente de de mesure d'audience réalisée par l'agence Media Survey le confirme. Dans les foyers, les lieux publics et même dans certaines salles de rédaction de quotidiens nationaux algériens, on est souvent branché, EL Chourouk TV, El Nahar TV ou encore EL Djazaïria. « C'est divertissant et surtout c'est différent de ce à quoi on nous a habitué jusqu'à maintenant en Algérie » explique un journaliste d'un quotidien francophone. La qualité des programmes de la télévision publique ouvre le champ à la concurrence. La qualité des images, des plateaux télé et de l'emballage graphique sont nettement meilleurs dans les nouvelles chaînes. Mais ce succès naissant aura-t-il un lendemain. « Leur modèle économique ne tient pas la route » confie un consultant en médias qui préfère conserver l'anonymat.

UN MARCHE PUBLICITAIRE TROP ETROIT

«Quelques-unes de ces chaînes ont fait appel à moi pour démarrer leur projet. J'ai déjà averti de la non soutenabilité économique de chaînes télévisées privées dans les conditions économiques actuelles » explique-t-il. La cause principale est le caractère « trop petit » du marché publicitaire qui est estimé à une quarantaine de millions d'Euros. Pas suffisant pour financer de manière sérieuse ne serait-ce qu'une chaine sur le long terme. "Faire fonctionner une télé coûte beaucoup d'argent, entre production, plateaux, personnels et location de satellite » estime l'expert qui a occupé des postes dirigeants à la radio et à la télévision avant de devenir freelance. Il preste pour des institutions publiques, des entreprises privées et a eu s'occuper de chaînes de télévision en projets. Il souligne une incohérence chez les pouvoirs à l'égard de ces nouveaux médias. «Pour payer des satellites il faut que ces télévisions payent en devises des entreprises de location satellitaires installées à l'étranger en devise. Je me demande comment font les gestionnaires de ces médias » s'interroge-t-il. L'autre paradoxe est qu'au plan légal, ces télévisions ne sont pas considérées comme des médias nationaux. « Elles sont considérées comme étant des chaînes étrangères, chose complètement aberrante puisqu'elles font tout à partir de l'Algérie». Il estime que cette situation rend potentiellement possible l'existence de financements occultes intérieurs ou extérieurs. C'est d'ailleurs, dit-il, la principale raison qui l'a conduit à s'abstenir de travailler avec ces nouvelles chaines. « Il y a un problème de transparence » dit-il.

LA RAISON ECONOMIQUE FINIRA PAR RATTRAPER L'ILLUSION DE L'OUVERTURE

Sur le fond, il considère que «la raison économique finira par rattraper l'illusion de l'ouverture». Il cite à cet effet, certaines «aventures». Celle de Beur TV qui après avoir était reprise par une boite de communication privée, Vox Algérie, a fini par mettre la clef sous le paillasson après quelques mois. «Il y a même des exemples plus solides comme Médi 1 et Médi 1 sat. Elles ont été créées en partenariat entre Le Maroc et la France et ont connue des difficultés financières. C'est l'Etat marocain qui les a reprises» rappelle-t-il. Notre expert est plus que dubitatif sur la viabilité économique de ces nouveaux venus. Pourtant, certains dirigeants des nouvelles TV assurent ne pas avoir négligé les aspects économiques et financiers de leurs entreprises. «Nous seront bénéficiaires au bout de trois mois de fonctionnement» a assuré Riad Rechdal, un des actionnaires de la chaîne EL Djazairia. Il ne doute pas que sa chaîne tiendra financièrement le coup à long terme. Le temps le dira.