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Sonatrach n'a
toujours pas digéré le scandale qui a décapité en 2010 son staff dirigeant. De
l'intérieur, on parle d'ambiance «tendue», de «décisions» qui ne se prennent
pas. Des cadres qui travaillent dans les installations pétrolières dans le sud
de l'Algérie en parlent. Sous couvert d'anonymat.
De retour à Alger après un mois au sud, à Hassi Messaoud, un des cadres de Sonatrach rencontré dit qu'il est devenu pratiquement "impossible" de gérer son département en appliquant les règles de management les plus élémentaires. "Récemment, nous avons loué une foreuse pour réparer un puits de pétrole à Hassi Berkine mais le matériel fourni ne répondait pas aux spécificités requises. Comme je ne peux pas lancer un autre appel d'offre à moins d'annuler le premier, tout est bloqué" explique-t-il. Le responsable ne veut pas prendre de décision, ni signer de documents. "Les gestionnaires sont tétanisés depuis l'affaire Sonatrach, personne ne veut signer quoi que ce soit. Du coup les décisions, même les plus urgentes, s'empilent sur le bureau du PDG de l'entreprise" a-t-il assuré. Dans une conférence de presse organisée il y a quelques semaines, le PDG de Sonatrach, Abdelhamid Zergine a semblé y faire prudemment allusion en relevant que la pénalisation de l'acte de gestion pose de vrais problèmes à la Sonatrach. "Avoir plus de souplesse et de flexibilité dans la gestion, c'est ce que nous revendiquons depuis toujours. Mais nous avons aussi une part de responsabilité car si on doit remettre en cause ce système de gestion, on doit être capable de proposer l'alternative" a-t-il indiqué. En attendant que l'alternative au système de gestion actuel soit trouvée, les décisions ou signatures mettent six mois voire une année, ce qui complique les investissements et les partenariats avec la Sonatrach. LA «SAIGNEE DES CADRES» "Les entreprises étrangères se sont toujours montrées tolérantes vis-à-vis de toutes ces complications mais seulement parce que les conditions d'investissement étaient attractives, ce qui est en train de changer depuis quelques années" confie un haut cadre à Sonatrach rencontré à Alger. Depuis quelques années, les appels d'offres de la Sonatrach ne suscitent plus beaucoup d'intérêt chez ces partenaires étrangers. Plusieurs appels d'offres ont étaient reconduits faute de soumissionnaires. Autre problème grave dont souffrent l'entreprise nationale, la saignée des cadres. "Je travaille un mois sur deux au sud. A chaque retour à la base de vie, on me dit qu'un cadre spécialisé ou qu'un technicien a quitté l'entreprise pour un boulot à l'étranger" raconte un ingénieur. Selon lui, il y a un mouvement de migration de cadres qui s'aggrave de plus en plus." Avant, les jeunes ingénieurs prenaient le temps d'accumuler au moins une expérience de dix à quinze ans avant de tenter l'aventure ailleurs. Maintenant, les jeunes cadres sont pressés de partir " regrette-t-il. UN POPULISME DE MAUVAIS ALOI L'homme qui capitalise une carrière de plus de 33 ans à Sonatrach en a vu des générations de cadres spécialisés et d'ingénieurs qui viennent pour aussitôt repartir. Principale motivation, les salaires plus élevés dans d'autres compagnies pétrolières. " A poste équivalent on peut toucher jusqu'à dix fois plus que les salaires perçus à Sonatrach" précise l'ingénieur qui dénonce une politique "populiste". Qui consiste, selon lui, à ne pas donner des salaires élevés aux cadres les plus méritants et les plus indispensables au cœur des métiers pétroliers, pour éviter de créer de grands écarts entre les salaires du secteur public. Lui ne veut pas quitter l'entreprise qui lui à tout appris et où il a été recruté à l'âge de 20 ans. Il a pu poursuivre sa formation au sein de l'entreprise pour finir sa carrière comme responsable de production. 'J'ai été sollicité à plusieurs reprises par des entreprises étrangères mais j'ai choisi de rester. Je n'avais pas le courage de tenter une expérience en dehors de mon pays, c'est loin d'être le cas de tout le monde à Sonatrach" dit-il. "Je trouve très dommageable que l'entreprise qui fait vivre tout un pays ne fasse pas l'effort nécessaire pour garder des cadres qu'elle a pourtant formé et dont elle a vraiment besoin" a-t-il conclu. |
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