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Quand le pyromane crie au feu

par Kharroubi Habib

Dimanche Saoud El Fayçal, le ministre des Affaires étrangères d'Arabie Saoudite, a annoncé que le Roi Abdallah a appelé à la tenue d'un sommet islamique extraordinaire mi-août à La Mecque. Il a justifié l'initiative de son souverain par «les dangers qu'affronte la oumma islamique en raison des risques de démembrement et de sédition». Le sommet extraordinaire convoqué devrait, selon lui, contribuer à «unifier les rangs des musulmans».

Vaste programme mais à l'aboutissement plus qu'aléatoire dès lors que c'est l'Arabie Saoudite qui en fait la proposition. L'unité des musulmans n'est pas en effet la préoccupation de la monarchie saoudite sauf si elle s'opère au détriment de l'Iran dont Ryadh travaille à l'isolement régional et international en parfaite coordination avec les Américains et les Européens. S'il est vrai que le monde musulman est menacé par des démembrements et des séditions ainsi que le prétend Saoud El Fayçal, il doit cette situation d'abord et avant tout à la politique arrêtée par les Etats-Unis consistant en sa reconfiguration en une myriade d'entités basées sur le concept de l'ethnie, du communautarisme et de l'appartenance aux branches de l'islam.

L'Arabie Saoudite ne peut dire vouloir l'unité du monde musulman pour faire barrage à un tel objectif, alors qu'elle a fait de l'Iran musulman l'adversaire premier à contrer. En fait, le sommet extraordinaire auquel le Roi Abdallah a appelé doit dans son esprit déboucher sur la reconnaissance du leadership de son pays sur l'espace musulman et la caution de sa stratégie anti-iranienne allant dans le sens voulu par ses alliés américains et européens. L'union du monde musulman telle que la conçoivent les potentats saoudiens et émiratis est celle qui range ce monde derrière la politique occidentale dont les promoteurs préparent l'intervention militaire contre l'Iran.

Il est vrai que le monde musulman est en danger de démembrement. Mais là où ce danger se précise ou est consommé, la main de l'Arabie Saoudite, du Qatar et d'autres émirats de la péninsule arabique n'y est pas absente. Ces Etats font dans la sous-traitance vis-à-vis des Américains et des Européens pour tous les conflits que ceux-ci ont contribué à faire éclater dans les pays de l'espace musulman. A seule fin que leur totale inféodation aux desseins occidentaux leur épargne une épreuve similaire. Sauf qu'ils participent à la mise en œuvre d'une stratégie qui s'appliquera inéluctablement à eux quand leurs «alliés» occidentaux en jugeront le moment venu.

Si un sommet islamique extraordinaire doit avoir du sens, c'est celui qui aura le courage de mettre au banc des accusés les royautés saoudienne et du Golfe pour leur tactique de déchirement de la communauté musulmane qu'ils poursuivent cyniquement par les moyens que leur confère l'immense pactole financier que leur procure le pétrole. Celui convoqué par le potentat saoudien n'est que la ruse du pyromane criant au feu.