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Qui n'a jamais
rêvé d'un projet auquel il a dû renoncer faute d'argent ? Sur Internet, des
plateformes accueillent désormais ces initiatives à la recherche de
financement. Appelé crowdfunding, ce mode de financement par les dons des
internautes a permis la réalisation d'un million de projets à travers le monde en
2012. Au Maghreb, où l'e-paiement peine à s'implanter, le crowdfunding reste
peu développé. Et pourtant, il constitue une vraie alternative.
Tout commence par une idée. Puis l'idée devient projet. C'est là que la situation se complique avec la chasse aux financements. Lourdeurs administratives, crédits difficiles à obtenir, sponsors impossibles à trouver, etc. les obstacles à la création sont légion. Face à ces contraintes bien réelles, le monde virtuel à su trouver la parade : faire appel à la générosité des internautes via les plateformes de crowdfunding. La procédure est simple. Le ou les porteurs de projets envoient leurs dossiers à une plateforme de crowdfunding qui décide ou non de le valider. En cas d'acceptation, il est mis en ligne, accompagné d'une description, du montant demandé et du temps imparti pour la récolte. Si l'objectif est atteint, le projet pourra se concrétiser. Sinon, les donateurs sont remboursés. Les premières plateformes de crowdfunding voient le jour au début des années 2000 aux Etats-Unis. Depuis, elles se développent à grande vitesse en Amérique et en Europe. En avril 2012, leur nombre s'élevait à 452 à travers le monde, avec une estimation à 536 d'ici la fin de l'année, ce qui représente 60 % d'augmentation d'une année sur l'autre, selon une étude publiée en mai 2012 par le cabinet de recherche américain Massolution «Crowdfunding Industry Report». Fort de ce succès, les sommes récoltées par le crowdfunding ne cessent de croître. Près de 1,5 milliard de dollars (1,15 milliard d'euros) ont ainsi été levés en 2011, soit 72 % d'augmentation par rapport au montant levé en 2010, selon l'étude de Massolution. Grâce au crowdfunding, le groupe de musique Dendana, né en janvier 2012 à Paris, sortira son album. Le groupe de cinq musiciens, deux Algériens, un Tunisien et deux Français, a réussi à obtenir 2175 dollars sur la plateforme Ulule grâce aux dons de 48 internautes. Un rêve inimaginable quelques mois auparavant. «J'ai entendu parlé du crowdfunding quand j'étais musicien en Algérie, sauf qu'on y avait pas accès à cause de l'obligation de paiement par carte bancaire», raconte Nassim Dendane, guitariste et chanteur du groupe, originaire de Tlemcen. «Une fois en France et le projet monté, on a fait un concert de récolte pour l'enregistrement de l'album sauf que plusieurs personnes n'ont pas pu y participer pour des raisons de disponibilités ou de distance. Je me suis alors renseigné sur les sites de crowfunding. Ulule pour moi était le plus connu et l'avantage c'est que c'est un site participatif et non pas d'actionnaires qui toucheront de l'argent sur ce que tu gagnes dans ta carrière d'artiste. En contrepartie Ulule prend 8 % de la somme récoltée», poursuit le jeune musicien. Outre la musique, l'audiovisuel, le théâtre et le journalisme constituent la plus grande partie des projets déposés sur les sites internet de crowdfunding. Pénétration difficile au Maghreb Rares sont les plateformes de crowdfunding basées au Maghreb. Flooosy, lancée en mai 2012 en Tunisie, mais sponsorisée par une entreprise canadienne, Veritas Equity Inc., est l'une des seules existantes. Son développeur Konstantin, de nationalité tunisienne et allemande, explique que la création de Flooosy a été motivée par un taux élevé de chômage qui ne cesse de croître dans les pays maghrébins. «La seule façon de créer de l'emploi est d'encourager les petits entrepreneurs à lancer leur propre affaire. Or, le principal obstacle à ces réalisations est le financement d'où l'idée de recourir au crowdfunding pour aider les jeunes entrepreneurs à accomplir leurs projets», raconte-t-il. Problème de conception de la plateforme ou méconnaissance du fonctionnement du crowdfunding, Flooosy n'arrive pas à attirer les donateurs. Aucun des 15 projets proposés depuis le lancement n'a réussi à récolter 100 % de la somme demandée. Un échec lié, selon son développeur, au fait que le concept soit encore peu connu et surtout en raison de l'absence de moyens de paiement en ligne. A défaut de plateforme performante et efficace au Maghreb, les Algériens, Marocains et Tunisiens peuvent se tourner vers celles existantes dans d'autres pays. En France, par exemple, Kisskissbankbank lancée en mars 2010 par Vincent Ricordeau et Adrien Aumont connaît un véritable succès grâce à son visuel agréable, ses outils pratiques et son offensive sur les réseaux sociaux. «Depuis le lancement, nous avons reçu plus de 3000 dossiers dont plus de 1000 ont été mis en ligne et 48 % ont réussi à obtenir l'intégralité de la somme souhaitée?, témoigne Adrien Aumont. «Nous avons encore peu de projets venant directement du Maghreb. Par contre, beaucoup de projets se montent en France pour aller au Maghreb, notamment des travaux de journalistes sur ou suite au printemps arabe». Un projet de webdocumentaire baptisé Génération Tahrir sur les jeunes Égyptiens, un an après la révolution, a ainsi récolté plus de 15000 euros. A l'origine du webdocumentaire, quatre jeune journalistes françaises installées au Caire depuis plusieurs années. «Nous avons vécu la révolution ensemble, et au-delà de l'expérience professionnelle, ces dix-huit jours restent pour nous une aventure humaine exceptionnelle. La détermination et l'énergie des jeunes Egyptiens nous ont donné envie de nous lancer dans un projet au long cours : dresser le portrait de cette jeunesse en mutation», précisent-elles dans la présentation du projet sur Kisskissbankbank. Interrogé sur les grandes potentialités de crowdfunding dans les pays du Maghreb, Adrien Aumont admet qu'il existe «un énorme vivier de projets, car la population est jeune et le taux de chômage élevé». «Compte tenu de la difficulté à trouver des financements, nous sommes une vraie solution concrète», a-t-il poursuivi, précisant que le problème de l'absence d'e-paiement peut-être dépassé avec la mise en place des paiements mobiles. Car avec une croissance de 20 à 30 % par mois, l'équipe de Kisskissbankbank, qui ne cesse de s'agrandir, songe au développement. «Nous recherchons des personnes intéressées que nous pourrions former sur nos outils, tous élaborés sous creative common, afin qu'elles lancent une plateforme dans leur pays. Nous sommes en bonne santé financière mais nos fonds ne nous permettent pas encore d'ouvrir des filiales. Nous recherchons plutôt un système de licence ou de représentation par des ambassadeurs». A bon entendeur ! |
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