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Des experts s'inquiètent de l'état d'une économie algérienne faite de «bric et de broc?»

par Salim Hairouz

Forte dominance de l'activité commerciale et des services dans l'économie algérienne et disparité de développement entre les divers territoires. Tels sont les principaux constats du recensement économique de l'Office national des statistiques (ONS) qui a débuté en 2009.

Les résultats sont sévèrement commentés par des économistes qui y voient l'illustration des dérives des politiques économiques publiques.

Les chiffres relevés par l'ONS confirment la forte dépendance de l'économie algérienne à l'égard des importations avec une très faible valeur ajoutée. Ces constats ne surprennent pas les experts et économistes algériens mais confortent des inquiétudes et des alarmes déjà formulées. Selon l'enquête de l'ONS, les activités commerciales et de services totalise 90% de l'économie nationale hors agriculture et hors hydrocarbures. «10%, c'est ce que représente l'industrie dans l'économie nationale. Le reste, ce sont des activités commerciales et de services fortement dépendantes des importations» explique le représentant du ministère des statistiques et de la prospective, Mohamed Bakalem. Ce sont des chiffres «qui font froids dans le dos» estime l'économiste Abdelamadjid Bouzidi. «Le recensement économique nous apprend avec stupeur que nous avons une économie faite de bric et de broc, soit des commerce de détail, des gargotes, des plombiers et quelques très petites entreprises». Pour lui, on se trouve dans une situation où le tissu économique algérien se délite complètement. "Il se trouve que le secteur privé représente 90% de la valeur globale, mais il s'agit d'un privé très peu dynamique versé dans des activités à très faible valeur ajoutée sur l'économie" constate Abdelmadjid Bouzidi. Circonstance aggravante, le secteur public est non performant, bureaucratique et gaspille des ressources financières et énergétiques pour rien. "Il faut arrêter les dégâts, donc favoriser les investissement productifs? Il faut débureaucratiser et libérer les initiatives surtout dans les secteurs créateurs de valeur ajoutée" préconise-t-il.

«DEVITALISATION DES TERRITOIRES»

Au sujet du second constat de l'ONS sur la disparité de développement entre les divers territoires, l'analyse de Bouzidi est tout aussi critique. «C'est une dévitalisation des territoires, c'est-à-dire que vous avez trois ou quatre petit pôles et le reste il n'y a rien" a-t-il regretté. Les experts qui n'hésitent pas à parler de situation «dangereuse» et «grav» commande, selon eux, la mise en œuvre de plans urgents de développement du secteur industriel. «Il faut beaucoup d'audace au niveau politique» estime Mohamed le professeur d'économie Cherif Bel-Mihoub. Dans les économies modernes quand la part du secteur tertiaire est très importante, cela est un indicateur que l'économie est très développée. A condition cependant qu'on y trouve de vrais services à haute valeur ajoutée technologique et d'aides aux entreprises. «Malheureusement ce qu'on trouve dans nos 90%, ce sont les activités de transports, de commerce et la gargote du coin, ce qui n'est pas vraiment une bonne chose" a-t-il indiqué. Pour une économie comme l'Algérie, une économie en développement intermédiaire, l'industrie devrait représenter de 30 à 40% de l'activité économique globale selon les spécialistes. "10% seulement, c'est extrêmement dangereux, car cela veut dire qu'on produit très peu et qu'on importe pratiquement tout" souligne Cherif Bel-Mihoub. «Maintenant si il y a vraiment une politique économique, elle doit être orientée sur les meilleurs qui sont dans les 10%. Mais pour cela il faut beaucoup d'audace et de volonté au niveau politique». Pour Cherif Bel-Mihoub, l'Etat mettre fin à ses politiques populistes qui consistent «distribuer l'argent public» sans conséquences positives sur l'économie. Pour lui, il ne fait pas de doute que la nature marchande de l'économie algérienne est le fruit des politiques économiques menées jusqu'à présent.