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UNE ALLIANCE DES VAINCUS ?

par M. Saadoune

Trois mois après avoir proclamé l'Etat indépendant de l'Azawad, le MNLA (Mouvement national de libération de l'Azawad) est dans un piteux état. Il ne pèse pratiquement plus grand-chose au nord du Mali où il vient d'être chassé de son réduit d'Assongo. Le crédit de sympathie médiatique qu'avait le MNLA en France et chez les mouvements berbéristes n'a pas été corroboré sur le terrain.

L'empressement à proclamer l'Etat de l'Azawad indépendant, option totalement rejetée par les pays de la région et par l'Afrique en général, a été une grave erreur politique. La «conquête» rapide des villes du nord du Mali en «collaboration» avec Ançar Eddine et ses alliés djihadistes a conduit les dirigeants du MNLA à faire une fausse analyse du rapport de force. Ils se sont tellement présentés comme la plus grande force rebelle? Ils ont fini par y croire. Au point de proclamer l'Etat de l'Azawad sans tenir compte des objections des voisins et surtout de leur appui. Le problème est que cela ne s'est pas vérifié sur le terrain. Pire, il y a eu rapidement un siphonage substantiel des éléments du MNLA par Ançar Eddine qui s'est imposé comme la force dominante.

Cette inversion du rapport de force a même été positivement appréciée à Bamako où certains estiment qu'Ançar Eddine, qui ne revendique pas l'indépendance mais l'islamisation du pays, est un interlocuteur possible contrairement au MNLA. Il est clair aujourd'hui avec l'évolution de la situation au Nord et l'imposition d'un ordre sectaire, la vision est différente au sud du Mali. Ançar Eddine et les groupes djihadistes qui lui sont alliés sont maîtres du Nord et ont du temps d'imposer leur ordre tant que les choses restent confuses à Bamako. Le MNLA tente de faire valoir, sans convaincre, que la perte des villes ne signifie pas sa disparition. «Nous occupons de vastes étendues désertiques, nous circulons et nous nous rassemblons où nous voulons», a déclaré un de ses responsables. Selon lui, le MNLA ne veut pas se battre contre les islamistes pour préserver ses forces et se préparer à une intervention militaire de la Cédéao.

Ce positionnement du MNLA comme rempart contre les djihadistes est une carte à jouer. C'est, peut-être, son ultime carte. Mais c'est un positionnement qui implique un douloureux renoncement à la proclamation de l'Etat de l'Azawad. Ni Bamako ni les autres Etats de la Cédéao ne peuvent accepter de collaborer avec un mouvement qui veut remettre en cause l'intégrité territoriale du Mali. Le MNLA devra donc abaisser le niveau de ses exigences en négociant une réforme substantielle dans le cadre de l'Etat malien. Le MNLA paraît emprunter cette voie puisque le même responsable dit ne pas demander à la communauté internationale de le reconnaître en tant qu'Etat, mais en tant que «partenaire sérieux». Les déconvenues militaires ramènent le MNLA au réalisme.

LE PRESIDENT DU MNLA A DEMANDE, DANS UN COMMUNIQUE DATE DU 12 JUILLET PUBLIE A OUAGADOUGOU, «L'APPUI IMMEDIAT DE LA COMMUNAUTE REGIONALE ET INTERNATIONALE POUR LE RENFORCEMENT DE NOS CAPACITES LOGISTIQUES ET FINANCIERES ET LA MISE EN PLACE D'UNE STRATEGIE COMMUNE DE LUTTE CONTRE LES GROUPES TERRORISTES ET MAFIEUX». IL S'EST DIT PRET A «ENGAGER LE DIALOGUE AVEC LES AUTORITES MALIENNES A TRAVERS LA MEDIATION REGIONALE ET INTERNATIONALE SUR LES REVENDICATIONS LEGITIMES DE NOTRE PEUPLE». UNE ALLIANCE ENTRE DEUX VAINCUS EN DEBANDADE, BAMAKO ET LE MNLA, EST EN THEORIE UNE OPTION FACE AUX DJIHADISTES. MAIS LA MEFIANCE QUI EXISTE ENTRE LES DEUX PARTIES EST SI FORTE QUE CELA RISQUE DE DEMEURER UN V?U PIEUX. A MOINS QUE LE MNLA NE COMPTE SUR L'EXTERIEUR, PARIS PRECISEMENT, POUR LE REMETTRE DANS LE JEU.