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Allocation devise : les Algériens sont les plus mal lotis du Maghreb

par Yazid Ferhat

La modique somme de 15.000 DA octroyée en équivalent devises étrangères accordée au titre d'allocation touristique pour les Algériens désireux de se rendre à l'étranger est peu sollicitée.

En plus d'être insignifiant, ce pécule d'environ 150 euros n'est obtenu qu'après une série de démarches. Les Tunisiens ont droit à près de 3000 euros par an, les Marocains à 1350.

« Le gouvernement aura gagné à limiter les transferts des devises vers l'étranger... pour les simples citoyen», ironise un agent d'accueil d'une agence bancaire du CPA à Alger. «Les candidats à la sortie du territoire national pour passer les vacances à l'étranger ou accomplir la Omra à la Mecque ne viennent que rarement chercher ce pécule qui leur revient de droit, même en cette période des grands départs», nous confie cet employé. Les nombreuses difficultés qui se dressent devant les demandeurs de l'allocation touristique ont fini par agacer. C'est le constat que l'on peut dresser en ce début de mois de juillet après une virée dans différentes agences bancaires de la capitale. Les guichets réservés au retrait de cette allocation sont désaffectés. Le chemin qui mène vers la maigre allocation est semé d'embuches au point de dissuader les plus téméraires. Chaque agence bancaire va de son propre règlement concernant l'octroi de l'allocation. Certaines agences de la Banque nationale d'Algérie (BNA) fixent un planning à raison de deux jours par semaine et seulement le matin. D'autres exigent que la date de départ soit «imminente» avant de délivrer le pécule. Certaines agences de la BADR exigent, quant à elles, d'avoir au préalable un compte en devise dans la même agence.

LES BANQUES N'EN FONT QU'A LEUR TETE

Pourtant la législation n'exige de ne présenter qu'un passeport du demandeur en cours de validité, délivré en Algérie, et un titre de voyage ou une quittance payée 500 DA aux contributions. D'autres entraves viennent aussi se greffer à ces «exigences». La plupart des agences fournissent la prestation, «le matin et quand le caissier est là». «Durant la période de juillet à août les employés des banques partent massivement en vacances. Les banques se trouvent en situation de sous-effectif d'où les prétextes souvent fallacieux pour renvoyer les demandeurs de l'allocation touristique», nous explique une employée de la BADR à Alger. Et quand ce n'est pas une pénurie de devises, c'est l'absence des imprimés de changes. C'est le motif qui revient souvent pour expliquer l'impossibilité de satisfaire la demande de ceux qui veulent se rendre à l'étranger. Les banques ne reçoivent pas la quantité suffisante pour répondre à la demande exceptionnelle du mois de juillet, période réputée pour les départs en vacances, nous explique un employé de la Banque extérieure d'Algérie (BEA). «On nous sert au compte-goutte ces documents. Une agence de la BEA située à Alger-centre ne reçoit qu'une trentaine d'imprimés par jour. C'est bien maigre par rapport à la demande que nous enregistrons en été et en fin de l'année, mais c'est suffisant durant les autres périodes de l'année», ajoute notre interlocuteur. Ces imprimés remplissent une fonction purement statistique pour la Banque d'Algérie, dans le but d'évaluer les sorties «licites» de devises. Mais qui reste indispensable pour se faire octroyer les 140 ou 150 euros, selon le taux officiel du change. Par contre, celui qui va solliciter les banques étrangères ne risque pas de connaitre ces méandres. Rares sont celles qui déclarent ne pouvoir satisfaire cette demande. Seulement, la prestation coûte plus chère. Elle est délivrée contre le paiement de 1000 DA, alors que ces frais ne dépassent pas les 100 DA chez la BEA et 460 DA chez la BADR.

LES TUNISIENS ET LES MAROCAINS BEAUCOUP MIEUX SERVIS

Pour autant, certains viennent chercher le pécule pour ne pas être inquiétés aux frontières. «Je n'ai besoin que du document. Le montant de l'allocation est insignifiant, il couvre à peine les dépenses courantes d'une journée à Tunis», témoigne Mohamed un demandeur de l'allocation. Il estime qu'un séjour d'une semaine à Tunis pour lui, son épouse et de leur fille de 5 ans, ne coûte pas moins que 1200 euros. Ce qui est largement loin des 150 euros de l'allocation touristique. A titre comparatif, un citoyen Tunisien a droit à l'équivalent de 6.000 DT par an d'allocation touristique (environ 3000 ?) avec possibilité de cumul, alors que le Marocain a droit à 1.350 euros par an. Pour se «débrouiller», le recours au marché parallèle de devises devient alors indispensable pour les «touristes» algériens. La valeur de l'euro a connu une hausse sensible sur ce marché, ces derniers jours. Cent euros valent 14.800 DA à l'achat et 14.950 DA à la vente dans les "bureaux" de change clandestins, contre un peu plus de 10.000 DA sur le marché officiel. L'écart est considérable. Mohamed a acheté 1.200 euros sur le marché parallèle. Et pour ne pas être inquiété aux frontières, il a décidé de les faire transiter par son compte bancaire en devise au CPA pour «avoir la preuve de leur provenance». «On ne sait jamais. On peut toujours nous réclamer la provenance. Donc, je prends mes précautions en les blanchissant», ironise-t-il.