L'Unesco a classé la ville de Tombouctou comme
patrimoine de l'humanité, le groupe Ançar Eddine y répond de manière hideuse en
détruisant deux mausolées. Et pour ne rien cacher de ses intentions, il annonce
qu'il détruira l'ensemble des édifices soufis consacrés à des hommes de foi de
la région. Le caractère frustre et inculte de ce groupe ne surprend pas. Par contre,
la rapidité avec laquelle ils s'attaquent à ce patrimoine symbolique montre que
leur inculture politique est encore plus grande que l'on imaginait. Cet Islam
originel «pur» totalement fantasmé dont il se réclame, confirme que l'ignorance
prétendant défendre le sacré ne donne qu'une caricature fanatique stupide et
barbare. Les manifestations d'un Islam local ancré dans des usages
traditionnels seraient, aux yeux de ces incultes, une menace pour la foi
mahométane ! L'acte absurde de destruction d'un patrimoine historique édifié au
fil des siècles est l'expression achevée de la bêtise. Outre son absurdité au
plan religieux et culturel, cette fièvre nihiliste est un crime qui appelle
pratiquement une riposte. Cela rappelle la destruction des Bouddhas de Bamiyan
en Afghanistan par des guérilléros frustres conduits par un mollah ignare
«formé» à «l'école» wahhabite. Ces statues monumentales, antérieures à
l'avènement de l'Islam, n'étaient plus l'objet d'aucun culte. Sauf celui
pratiqué au nom de la connaissance par les historiens et les amateurs d'art.
Les talibans en tentant d'effacer, à coups de canon, l'histoire de leur pays
ont présenté au monde un visage hideux aux antipodes de la glorification du
savoir, de la science et de la culture par la religion islamique. Une
phénoménale régression depuis Baghdad, Cordoue, Samarkand... Cette destruction
de statues plusieurs fois séculaires trouvera une application par la suite et
elle sera un des éléments de justification de l'intervention militaire en
Afghanistan. Rien ne se perd dans le jeu des relations internationales, pas
même les pulsions de dirigeants bornés. Les Afghans en payent aujourd'hui un
coût élevé sans réel espoir de stabilisation. C'est le chemin qu'empruntent au
Sahel ces bandes armées. Ces groupes ont pris en otage l'Islam et des
populations dont les besoins fondamentaux passent au second plan dans leur
agenda absurde de pseudo-libérateurs. Ançar Eddine et les autres bandes ne
peuvent même pas faire valoir le minimum de légitimité des talibans née de la
guerre antisoviétique. Ils sont bien ce qu'ils sont : des regroupements de
terroristes sans foi ni loi, des bandits ordinaires aspirés par le vide créé
par un inepte Etat malien. La déstabilisation du Nord-Mali risque de connaître
des escalades imprévisibles.
Ces mouvements fanatiques ou criminels n'ont pas
besoin d'être diabolisés. Ils réussissent par eux-mêmes, sans aide médiatique,
à susciter indignation et répulsion. Entre Tombouctou, Kidal et Gao,
l'analphabétisme politique profond des mouvements djihadistes est un terrain
propice à toutes les manipulations et toutes les ingérences.