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Nord-Mali : l'option politique s'éloigne

par Kharroubi Habib

Le ballet diplomatique en lien avec la confuse situation qui prévaut au Sahel et au Mali plus particulièrement, dont notre capitale est la scène ces dernières semaines, confirme que l'Algérie est reconnue régionalement et internationalement en tant qu'acteur clef dans cette zone africaine, donc incontournable s'agissant de l'option à suivre pour la stabiliser. Une reconnaissance que les autorités algériennes ont mise à profit pour faire admettre à presque tous les protagonistes et intervenants dans la crise malienne celle prônée avec constance par elle privilégiant la solution du dialogue et de la négociation entre le pouvoir central malien et la rébellion touareg au Nord-Mali conduite et encadrée par le MNLA, sur la base du renoncement par celle-ci au projet d'instauration d'un Etat touareg indépendant englobant la zone du pays passée sous son contrôle.

La diplomatie algérienne semblait être parvenue à partir de ce préalable à amorcer le dialogue entre ces deux acteurs du conflit malien et même à y impliquer le groupe Ansar Eddine de tendance islamiste mais de composante touareg lui aussi. Sauf que la situation créée cette semaine écoulée dans le Nord-Mali suite à la défaite essuyée par le MNLA face à l'autre groupe islamiste y sévissant sous l'appellation du Mouvement pour l'unicité et le jihad en Afrique de l'Ouest (MUJAO) qui oblige les autorités algériennes à reconsidérer la démarche exclusivement politique qu'elles prônent pour la crise malienne. S'il se confirme que le MUJAO a effectivement pris le dessus sur le MNLA au Nord-Mali et sachant le vainqueur déterminé à instaurer un émirat islamiste sous influence d'Aqmi, Alger sera contraint d'agir pour empêcher que ce projet se réalise à sa frontière sud.

Ce subit retournement de situation au Nord-Mali qui force l'Algérie à revoir certainement sa copie sur la situation au nord du Mali, semble avoir été prémédité pour faire avorter l'amorce de dialogue entre Maliens du Nord et du Sud enclenchée par les autorités algériennes. Par Aqmi et ses affidés dans la région qui ne sont pas sans ignorer que la démarche algérienne est dirigée contre eux et vise à les isoler de l'ethnie touareg dont le nord du Mali est la zone de vie. Mais aussi par des parties régionales et internationales peu désireuses de voir aboutir la démarche algérienne en laquelle elles voient l'obstacle aux desseins qu'elles se sont fixés au Sahel. La situation créée par l'offensive du MUJAO, certainement étoffé par l'appui d'Aqmi, fait que l'Algérie ne peut plus s'en tenir à la seule solution politique et va devoir composer avec ces parties sur le principe d'une intervention étrangère contre « l'africanistan », selon la formule du président sénégalais, qui se met en place avec la défaite du MNLA. Une intervention qui aura pour aboutissement ce contre quoi se bat l'Algérie, à savoir la participation et donc l'implantation de forces de puissances extra-régionales au Sahel.

Il est vrai que l'initiative du MUJAO impose désormais l'opinion que l'urgence au Nord-Mali est le danger que représente son contrôle par les groupes islamistes plutôt que la priorité que serait la réconciliation entre le pouvoir central malien et la rébellion touareg représentée par le MNLA. C'est de cette réalité qui « tombe à pic » pour elles que les parties évoquées vont tenter de convaincre les autorités algériennes, il est vrai maintenant franchement alarmées par elles tout en sachant ce que poursuivent celles qui l'ont rendu possible. Le ballet diplomatique à Alger visant à faire pression dans ce sens sur les autorités va redoubler d'intensité pour les faire basculer en faveur de l'option interventionniste avec toutes les conséquences qui se profilent pour la région du Sahel derrière elle.