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COMPTE A REBOURS TERMINAL

par M. Saadoune

L'arithmétique militaire est implacable au nord du Mali. Pour pouvoir exister politiquement, il faut contrôler au moins une ville, une place forte, dans le grand désert qu'est le nord de ce pays en crise. Au lendemain de la débandade de l'armée malienne, le MNLA «historique» s'était empressé de proclamer l'Etat indépendant de l'Azawad, commettant ainsi une grave erreur de stratégie et de timing qui lui a aliéné les possibilités de soutien extérieur. Les pays de la région ne veulent pas, pour des raisons évidentes, de la création d'un nouvel Etat qui bouleverserait des équilibres fragiles.

La proclamation de l'indépendance de l'Azawad a mis le MNLA dans un isolement international d'autant plus préjudiciable qu'il avait des atouts à faire valoir face à des islamistes dont la présence inquiète. L'affaiblissement politique et l'isolement du MNLA sont désormais indéniables. Le mouvement n'ayant plus aucune ville entre les mains n'est déjà plus nulle part. Errer dans le désert peut avoir une dimension romantique mais est d'une faible signification politique. De facto, les rebelles du MNLA sont désormais sous la menace d'une disparition politique. Les sécessionnistes ne disposent pas d'une large gamme de possibilités. Ils doivent essayer de reprendre rapidement une ville au nord du Mali qui leur permette d'affirmer qu'ils continuent de peser et qu'ils font toujours partie de l'équation. Et c'est bien pour accélérer la décantation politique qu'Ançar Eddine a littéralement chassé le MNLA de Tombouctou au lendemain de sa défaite à Gao dans la confrontation armée avec le Mujao.

Les dirigeants du MNLA - ils ont déjà perdu de nombreux éléments qui ont rejoint Ançar Eddine - se trouvent dans une situation des plus délicates. Ou bien ils se résignent à une disparition politique face à des djihadistes peu disposés à accepter l'existence d'une force qui se proclame «laïque» et «indépendante», ou alors ils se remettent en ordre de bataille pour reconquérir une place forte pour exister. Et dans cette seconde option, les choix ne sont pas nombreux. La configuration du rapport de force militaire sur le terrain exclut d'essayer de prendre Tombouctou et Kidal. La seule option pour essayer d'assurer une survie politique est de reprendre Gao au Mujao. Et il n'est pas évident que le MNLA ait les moyens de le faire. C'est que derrière un discours «laïco-moderne», cette organisation a péché par l'indiscipline de ses membres.

De retour de Libye, très bien armés, ils pouvaient prétendre à un rapport de force favorable face aux autres groupes en activité. Or, les éléments du MNLA ont inconsidérément vendu armes et munitions dont des roquettes au? Mujao. C'est avec ces armes que les djihadistes du Mujao les ont balayés de Gao en peu de temps. L'autre grande faille du MNLA, celle qui ne pardonne pas quand la population est l'enjeu, ce sont les exactions perpétrées par les éléments du MNLA. Les islamistes en ont clairement profité en se faisant les défenseurs de l'ordre et de la sécurité. Avec l'argent qu'ils distribuent aux notables et une action caritative en direction des pauvres, les djihadistes ont suscité une adhésion que des observateurs extérieurs ont clairement constatée à Gao.

Le compte à rebours terminal semble bel et bien enclenché pour le MNLA dont la survie ne pourrait être envisagée que pour empêcher une hégémonie islamiste et l'installation d'un Etat-Aqmi. Cela pourrait amener des parties externes à assurer rapidement un flux de soutien financier et d'armements en quantités significatives pour tenter d'enrayer la dynamique actuelle. A moins que l'option d'une intervention directe qui se discute au Conseil de sécurité ne rende d'emblée caduque une gestion complexe et aléatoire à travers un MNLA dont la stratégie de communication active est visiblement sans rapport avec la réalité du terrain.