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Les Algériens sont nuls en lobbying au sein des institutions internationales !

par Salim Hairouz

Les cadres algériens qui s'exportent à l'étranger sont livrés à eux-mêmes. Il n'existe aucune volonté d'organiser ces compétences émigrées et la diplomatie algérienne n'intervient pas ou alors très rarement pour aider ses cadres expatriés. C'est pourtant une pratique courante de toutes les diplomates de faire du lobbying. Traduit en algérien, le mot n'existe pas.

Si dans les entreprises privées seule la compétence et la taille du CV comptent, dans les institutions internationales il faut y ajouter un jeu d'influence. «Quand on travaille dans ces institutions on est non seulement représentant de sa propre personne, mais aussi de sa nationalité», explique Djamel Ghrib, chef de division chargé du développement du secteur privé à la Commission de l'Union africaine. Détenteur d'un diplôme d'études supérieures spécialisées, il cumule 14 années d'expérience dans neuf institutions internationales. «Je travaille actuellement au niveau de l'Union africaine (UA). Je suis comptabilisé sur le quota algérien qui est de 27 postes au sein de cette institution. Sauf que nous ne sommes que dix algériens à travailler à l'UA», regrette Djamel Ghrib. Il relève que ce système des quotas n'existe plus dans la plupart des instances internationales, l'Union africaine est l'une des dernières à l'appliquer. D'après Djamel Ghrib, le recrutement est très difficile dans ce genre d'institution. Il faut tout d'abord faire partie d'une liste restreinte. Ce qui requiert des diplômes prestigieux et une expérience internationale. Outre ces références, il faut également un test «psychologique» et passer devant un jury et c'est à cette étape que le lobbying est actionné. «Ces jurys sont composés d'hommes et de femmes qui ont des sensibilités, des penchants pour leur culture d'origine, leur langue et parfois leurs villages», indique Djamel Ghrib. Selon lui, l'impartialité manque souvent au niveau de ces jurys et des luttes d'influences qui peuvent favoriser tel ou tel candidat pour un poste donné. «Dans toutes les institutions internationales, il y a un combat de représentativité entre les pays membres, chacun essaye de placer le plus de cadres ou de responsables pour pouvoir ensuite influencer les décisions prises par ces institutions». «C'est de bonne guerre», estime notre cadre expatrié pour qui la lutte d'influence est une chose qu'il connaît au quotidien. «Parfois les rivalités entre les pays poussent les cadres d'une nationalité donnée à se comporter d'une manière déloyale. Moi-même j'ai déjà subi la marginalisation ou bien vu que mes dossiers ou mes CV s'égarer? C'est aussi cela que de travailler dans une institution internationale».

UN TRAVAIL COMPLETEMENT NEGLIGE

Djamel Ghrib constate que le travail de lobbying est complètement négligé par l'Algérie. Certains pays nomment des ambassadeurs avec comme principale mission de placer des compatriotes dans des institutions importantes, la diplomatie algérienne, selon plusieurs cadres interrogés, continue d'ignorer cette manière de faire. «Parfois, ce sont nos ambassadeurs qui se mettent au travers de notre réussite à l'étranger», témoigne Mahmoud Khene, chargé des opérations au département du secteur public au Fonds de développement de l'OPEP. Il n'hésite pas à dire et avec une certaine fierté que sa réussite et son parcours professionnel, il ne les doit à personne. «J'aurai quand même préféré que nous soyons un peu plus organisés pour le bien de notre pays», regrette-t-il. D'autres témoins qui ont requis l'anonymat soulignent que l'absence d'organisation des Algériens profite largement aux voisins qui en rajoutent en donnant une «une image très négative aux cadres algériens».

LOST IN TRANSLATION

«J'ai eu la mauvaise surprise de découvrir en postulant pour un travail dans une institution économique internationale que les Algériens sont taxés de manière générale de nerveux, de non disciplinés et que cela pouvait empêcher mon recrutement», confie un cadre algérien installé en Suisse. Les stéréotypes les plus fantasques peuvent circuler au sujet de telle ou de telle nationalité même au sein des instances les plus influentes et les plus respectables. C'est une réalité que tendent à confirmer beaucoup de cadres algériens en quête d'emploi sur le marché algérien. L'un des rares représentants des intérêts algériens à l'étranger qui a accepté de nous répondre au sujet du lobbying institutionnel, est l'administrateur de l'Algérie à la Banque africaine de développement (BAD), Abdelhak Benalegue. L'Algérie est le quatrième plus important actionnaire de cette banque régionale mais seul une vingtaine d'Algériens y travaillent. «Je travaille personnellement pour qu'il y ait plus de cadres algériens à la BAD mais on n'est pas seul. Il n'y a pas de système de quotas à la BAD mais il existe un système de représentativité», indique Abdelhak Benalegue. L'administrateur de l'Algérie à la BAD assure qu'il aurait souhaité être entouré de plus d'Algériens mais la tâche de les faire recruter est difficile. «Même si le nombre restreint de cadres algériens au sein de cette banque ne diminue en rien notre efficacité à faire entendre notre voix et à faire passer nos choix et exigences», précise M. Benalegue. Le lobbying est un mot inexistant dans la traduction algérienne.