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Les bavards de l'Euro 2012

par Moncef Wafi

L'Euro 2012 tire à sa fin et c'est tant mieux. Pas pour le niveau technique présenté par les équipes en compétition, bon dans l'ensemble mis à part quelques formations quelconques comme l'Irlande ou encore la Grèce. Pas pour le climat ni pour les fautes d'arbitrage. Non, le mal n'est pas dans l'image mais dans le son. Pour ceux qui n'ont pas été gâtés par les dieux cathodiques et, pour une raison ou une autre, n'ont pu suivre les matches retransmis sur les chaînes françaises, la torture était audio, en live. Achetés à prix d'or, les droits télés pour cet Euro du foot ont été monopolisés par la chaîne qatarie Al Jazeera sport qui a lâché la furia de ses commentateurs sportifs sur les millions d'Arabes, amoureux du ballon rond. Des téléspectateurs qui ont dû, à leur corps défendant, subir les assauts vocaux et les envolées lyriques de journalistes censés commenter un match de foot. Et pas davantage. Et on a eu droit à la totale. Une revue d'effectif qui, à force de squatter l'espace, vous fait oublier l'essentiel du spectacle. La chaîne n'a pas lésiné sur les moyens, s'offrant des consultants illustres, à commencer par Mourinho ou Wenger mais la couverture du match en lui-même a mis les téléspectateurs au supplice. Obligés d'écouter un flot ininterrompu de commentaires aussi nuls, sur le plan sportif, qu'inutiles, certains ont presque regretté de s'être abonnés à Al Jazeera sport. Informations erronées, prononciation des noms au forceps, statistiques superflues, les commentateurs s'en sont donné à cœur joie pour pourrir des rencontres de haut niveau. Et on n'entendait que leur bavardage oiseux, leurs rimes à deux balles, leur Oh, Ah et Aye-Aya. Il y a le poète pour qui chaque phase de jeu est une occasion pour pondre une prose hasardeuse. Il y a aussi celui qui finit les occasions de but par d'insupportables onomatopées. Aussi, au palmarès, le polyglotte avec ses «Furia Roja», «off-side» et quelques mots en italien ou en français. Et ne parlons pas de ceux du Golfe. Mais tous ont un point commun, celui de passer à côté du match, de l'analyse technique, du schéma de jeu. Dès que la partie démarre, les chiffres glanés sur internet sont de sortie. L'historique des rencontres entre les deux équipes sur le terrain, la première date, le premier buteur, les buts marqués et encaissés, le nom de l'arbitre pour les plus vicieux. Puis le CV des 22 joueurs, les stats de l'arbitre, l'histoire du cousin de la femme au garde-matériel de l'équipe adverse. Rien n'est épargné dans cette course pour tuer les 90 minutes réglementaires. L'essentiel étant de meubler le silence. Une prouesse inimaginable pour des commentateurs payés à pérorer pendant une heure et demie et gare à celui qui s'arrête de parler. Cet Euro montre si besoin est que la culture arabe est celle de l'oralité, dépassée et ennuyeuse à satiété. Un verbiage inutile qui nous éloigne de l'essentiel. A la lecture, les Arabes lui ont substitué la parole. En 1965, Moshe Dayan publia un livre intitulé «Journal de la campagne du Sinaï 1965», dans lequel les plans et les cartes militaires à l'opération menée à l'époque étaient dévoilés dans leurs plus infimes détails. En 1967, et lors de la guerre des six jours, l'armée israélienne appliqua à la lettre le même plan. Aux journalistes qui s'étonnaient du risque pris par Israël de reproduire la même tactique militaire pourtant déjà dévoilée au grand public et disponible dans toutes les librairies, Dayan rétorque: «Aucun risque puisque de toute façon, les Arabes ne lisent pas».