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Les marchés
respirent, l'Eurogroup a conclu un accord politique pour un soutien financier
allant jusqu'à 100 milliards d'euros pour recapitaliser les banques espagnoles.
Les modalités techniques de cette assistance restent à définir mais, et les
autorités madrilènes insistent sur le fait qu'elle ne sera pas assortie du
préalable de renforcement de la politique d'austérité déjà en vigueur.
Un répit en attendant que l'Allemagne tranche. C'est la monnaie unique qui est en jeu. Il était difficile en effet d'envisager une escalade dans l'austérité dans un pays confronté à une récession brutale. Les conditionnalités seront limitées aux banques récipiendaires de l'aide. Elles seront basées, l'Irlande étant la référence en la matière, sur la restructuration du secteur bancaire conduite par les services de la concurrence de l'Union européenne, appuyés par le FMI et la BCE. Le FMI fera donc bien partie de la structure de supervision de ce crédit, ce qui n'enthousiasme guère une classe politique espagnole qui ressent l'intrusion de l'institution multilatérale dans ce processus comme une atteinte au prestige du pays. Madrid doit formuler des demandes précises, fondées non seulement sur un rapport du FMI, qui avait évalué à au moins 40 milliards d'euros le besoin de recapitalisation des banques espagnoles, mais aussi sur des audits effectués par des cabinets allemands et américains. Le secteur bancaire espagnol qui avait ressenti les contrecoups de la crise des subprimes est lourdement impacté par l'implosion de la bulle immobilière en 2008 et le ralentissement de l'activité dans la péninsule. Les audits en cours permettront de mesurer l'importance des créances non performantes dans les portefeuilles bancaires. Les chiffres avancés, une fourchette allant de 40 milliards à près de 200 milliards d'euros, d'actifs compromis doivent être impérativement affinés afin que Madrid soit en mesure d'approcher l'Eurogroup. SOULAGEMENT DES MARCHES, PRUDENCE DES ECONOMISTES A ce stade, l'instance chargée de débourser et de gérer la facilité de 100 milliards d'euros n'est pas identifiée. Il pourrait s'agir du Fonds européen de stabilité financière (FESF) ou du Mécanisme européen de stabilité (MES) d'une capacité de 500 milliards d'euros qui sera opérationnel en juillet 2012. Le taux d'intérêt des tirages sur la ligne d'aide bancaire, de l'ordre de 3%, sera déterminé effectivement en fonction du coût d'emprunt sur les marchés assorti d'une marge réduite d'intervention. Accueilli avec un soulagement réel par les marchés, le plan européen de sauvetage des banques espagnoles est cependant reçu avec prudence par de nombreux économistes qui n'y voient qu'une réponse partielle à un problème bien plus profond. A l'image du prix Nobel d'économie Joseph Stiglitz qui estime que le problème est seulement déplacé : le renflouement des banques espagnoles permettra à ces dernières de renflouer à leur tour le gouvernement espagnol confronté à la récession et au chômage de masse. Selon lui, si l'aide de 100 milliards d'euros est intégralement tirée par Madrid, le ratio dette-PIB de l'Espagne augmenterait de 10%, pour atteindre 80% à la fin de l'année contre 68,5% fin 2011. Dans cette perspective, il est probable que les émissions obligataires publiques soient plus onéreuses et plus difficiles à placer auprès des investisseurs internationaux. DU KEROSENE SUR L'INCENDIE «C'est de l'économie vaudou», a notamment déclaré Stiglitz vendredi dernier, avant même que l'accord conclu ce week-end ne soit entériné, en enfonçant le clou : «Ce plan sera inopérant et ça ne marchera pas.» Pour Joseph Stiglitz, qui rejoint l'opinion de nombreux économistes de Paul Krugman à Nouriel Roubini, plutôt que de se concentrer sur des réponses tactiques, les Européens devraient envisager l'instauration d'un système bancaire commun. Pour lui, il n'existe aucun moyen, lorsque l'économie entre en récession, de mettre en œuvre des politiques susceptibles de restaurer la croissance sans une forme de système européen unifié. C'est bien au niveau de l'orientation et de la cohérence des politiques économiques que le problème se pose. Pour ces experts, les solutions adoptées par l'Union européenne ont fait la preuve de leur inefficacité, les mesures d'austérité visant à rétablir les grands équilibres ont pour effet de réduire la croissance et d'augmenter la dette publique. «Construire un pare-feu en versant du kérosène sur l'incendie ne marche pas», martèle Stiglitz qui poursuit : «Il faut effectivement faire face au problème sous-jacent, et qui est la relance de la croissance». Le message passera-t-il auprès d'autorités allemandes fermement accrochées au dogme de la rigueur et de la discipline budgétaire ? Rien n'est moins sûr. En tout état de cause, il semble bien que les Européens ont choisi de traiter la pathologie bancaire espagnole à la veille d'un scrutin décisif en Grèce pour ne pas avoir à gérer en même temps deux crises «méditerranéennes». Le soulagement observé sur les marchés sera-t-il de de longue durée ou s'agit-il d'une euphorie transitoire ? C'est toute la question. Les mesures d'aide à la Grèce, tardives et insuffisantes, ont certes permis de différer l'échéance d'un choix politique décisif : le maintien ou la dissolution de l'euro. Mais il appartient aux Allemands de décider de l'avenir de l'euro en évaluant les coûts respectifs d'une dissolution de la monnaie unique ou au contraire du renforcement des institutions européennes. Le sauvetage des banques espagnoles constitue donc vraisemblablement un test crucial, l'échec ou la réussite de ce plan éclairera d'un jour nouveau les enjeux d'une unification renforcée de l'Europe ou d'un repli sur les égoïsmes nationaux. |
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