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BATAILLE CATHODIQUE

par M. Saadoune



Une nouvelle chaîne d'information satellitaire arabe entre aujourd'hui en action à partir du Liban. Son nom est Al-Mayadine, ce qui pourrait se traduire par «les terrains». Tout un programme ! Est-ce une chaîne de plus dans le paysage satellitaire arabe hyper-encombré et plein de papotages ?

Cela aurait pu être le cas, mais le nom de celui qui la dirige, Ghassan Ben Djeddou, incite au moins à attendre et voir. C'est qu'il s'agit, ni plus ni moins, de celui qui a été pendant des années le journaliste vedette d'Al-Jazira au Liban, auteur de nombreux scoops grâce à un accès particulier à l'ensemble des dirigeants politiques du pays et singulièrement au très secret Cheikh Hassan Nassrallah, chef du Hezbollah. Le travail de la chaîne sous sa direction durant l'agression israélienne contre le Liban, très consensuel, lui a valu une forte notoriété. Ainsi qu'à la chaîne qatarie. Ensuite, les évolutions de la situation politique dans la région et les positionnements de la chaîne qatarie ont entraîné une rupture définitive.

Aujourd'hui qu'il lance la chaîne Al-Mayadine, Ghassan Ben Djeddou souligne qu'il ne cherche pas à concurrencer Al-Jazira et Al-Arabiya. Ce qui est logique au vu de l'assise financière étatique des chaînes en question qui peuvent dépenser sans compter. Pourtant, les médias choisissent d'en douter. Certains ont, un peu lapidairement, déjà étiqueté Al-Mayadine «télévision anti-révolution» arabe. En réalité, les choses ne sont pas aussi simples. Mais cette étiquette et ces accusations «préalables» créent déjà un vrai intérêt pour une chaîne dont la naissance aurait pu être noyée parmi les 700 chaînes arabes qui murmurent, le plus souvent pour rien, dans le ciel arabe. Il faudra cependant juger sur pièce et voir comment Al-Mayadine va assurer un traitement de l'information sur les situations de conflits.

Il y a clairement de la place pour une autre chaîne d'information même si le «terrain» est fortement occupé par Al-Jazira et Al-Arabiya. Il y en a d'autant plus que le traitement, à forte tonalité propagandiste des «révolutions arabes», de la part de la chaîne Al-Jazira a déjà eu pour conséquence de créer une certaine désaffection qui a? profité à France 24 en arabe et BBC arabe. Le tout est de savoir si Al-Mayadine tombera ou non dans le travers inverse qui consiste à soutenir aveuglément le régime absurde de Bachar Al-Assad. Ce qui est certain - et en cela aucun cadeau ne sera fait à la nouvelle chaîne - est que les contestations qui existent dans les pays du Golfe, au Bahreïn et en Arabie Saoudite, expédiées en «brève» sur Al-Jazira et totalement ignorées sur Al-Arabiya vont trouver leur tremplin médiatique. Dans ce domaine, l'alignement éditorial et politique d'Al-Jazira et d'Al-Arabiya a été tellement fort qu'il crée un appel d'air pour d'autres sons de cloche.

Mais la nouvelle contre-chaîne va être attendue avec attention sur le traitement de la situation en Syrie. Ce sera en quelque sorte son examen professionnel, le test de sa crédibilité. Elle peut apporter une contre-information crédible, une autre vision ou sombrer dans la mauvaise pente du discours propagandiste. Les prochains mois diront si le bloc Al-Jazira-Al-Arabiya a trouvé un concurrent qui mettra du son et des images sur beaucoup de leurs silences.