|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
Lina et Romaïssa,
deux sœurs encore en primaire, se posent une question simple mais lourde de
sens : pourquoi Rania, leur cousine avec qui elles ont pris l'habitude de
jouer, est en vacances et pas elles.
Rania est au second palier scolaire. Les deux petites vont entamer les examens du troisième trimestre cette semaine. Or, la cousine s'est débarrassée de son cartable et du réveil tôt le matin depuis le 23 mai dernier. En effet, un directeur d'un établissement primaire nous a confirmé qu'il a été destinataire d'une instruction de la direction de l'Education l'obligeant à garder les enfants jusqu'au 17 juin prochain. La mère des deux gamines, médecin de son état et donc familiarisée avec la psychologie enfantine, craint que ses petites intériorisent cette «différenciation dans le traitement par l'école» comme une dévalorisation ou une stigmatisation. Loin des craintes, cet état de fait oblige de nombreux parents à de nouveaux aménagements de leur planning quotidien. Un parent nous dira dans ce sens «on a mis du temps, ma femme et moi, à trouver un modus vivendi entre nos obligations professionnelles et l'emploi du temps de nos enfants scolarisés. Maintenant nous sommes obligés de trouver d'autres réaménagements». Plus concrètement, il dira «je dois toujours me libérer à des heures fixes pour chercher mon fils à l'école alors que j'ignore si sa sœur est à la maison ou elle est dehors, livrée à elle-même». Excédé, un autre parent ira jusqu'à traiter les responsables de l'Education nationale de déconnectés par rapport à la réalité. «Cette semaine démarre la Coupe d'Europe, or le foot est une véritable culture chez nos enfants, dès leur premier âge. Ceci ne demande aucune étude pour le certifier. Comment demander à un enfant de se concentrer dans ce cas quand tout son environnement est acquis au spectacle ? ». Pour revenir à Lina, sa mère, qui nous a raconté comment sa fille était enthousiaste pour rejoindre les bancs de classe, se plaint déjà. «Elle m'a clairement signifié qu'elle est fatiguée de l'école» lance-t-elle dépitée. Une autre dame nous a confié que durant ces deux ou trois dernières semaines, ses enfants partent à l'école «pour s'ennuyer». Visiblement, les enfants ont déjà terminé le programme. «Parce que nos établissements scolaires ne disposent pas de moyens de distractions adéquats à mettre à la disposition des enfants, ces derniers restent parqués dans les classes» remarque-t-elle. Abondant dans ce sens, un autre parent nous a fait part de son regret de ne pas voir les établissements scolaires faire preuve d'ingéniosité et de proposer d'autres activités distractives et culturelles aux enfants. «Pourquoi ne pas prendre les élèves dans des excursions pour toucher d'une façon palpable ce qu'on leur a inculqué d'une manière abstraite ?» Et de se réviser «mais les directrices et directeurs qui peuvent prendre de telles initiatives ont été mobilisés pour surveiller ou diriger des centres d'examen du baccalauréat, des fois en dehors de la wilaya» dira-t-il en précisant qu'il s'avance en connaissance de cause. Autrement dit, il cherche à dédouaner les responsables des établissements scolaires et de situer la responsabilité à un niveau plus haut. Du côté des enseignants, on relève le même dépit. Les enseignants en charge des classes surpeuplées, face à des élèves exigeant de plus en plus d'attention, s'avouent «crevés», nous dira une enseignante. «C'est un métier des plus épuisants d'enseigner les enfants» nous lance une dame. «Tout le monde est pressé de jouir d'un peu de répit» ajoute-t-elle sur un ton de confidence. Mais il se trouve que ce répit sera de courte durée puisque Ramadhan pointe déjà à l'horizon. Autrement dit, les vacances seront de courte durée?. Des impondérables que ceux qui président au destin de l'école, férus de chiffres et de statistiques, ne prennent jamais en ligne de compte. |
|