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Mali : Affrontements entre rebelles touaregs et islamistes à Kidal

par Salem Ferdi

Selon le Canard enchaîné, les services français ont des informations sur un financement qatari des groupes agissant au Nord du Mali. A Kidal, des affrontements, sur fond tribaliste, ont opposé des éléments du MNLA et d'Ançar Eddine.

L'Union africaine hausse, encore une fois, le ton contre les putschistes de Bamako et compte demander «l'appui» de l'ONU pour une intervention militaire au nord.

La communication du MNLA sur le projet de fusion avec Ançar Eddine est déroutante et varie de jour en jour entre une «fin» définitive et une «poursuite» des discussions illustrant probablement des divergences au sein de la direction. Sur le terrain, la ville de Kidal, la plus proche des frontières avec l'Algérie, a enregistré, dans la nuit de jeudi à vendredi, les premiers affrontements armés entre les deux parties. Ces affrontements entre les deux parties recouvriraient aussi un clivage tribal, les Tagamalète et Idnane, acquis au MNLA, faisant face aux Ifora qui suivent Ançar Eddine. Ces affrontements interviennent au lendemain d'une manifestation de femmes à Kidal hostile au mouvement islamiste et favorable au MNLA. Un membre d'Ançar Eddine a clairement associé les affrontements survenus dans la nuit de jeudi à vendredi, à cette manifestation qu'il a attribuée à une «manipulation» du MNLA. «Ils ont encouragé les femmes et les enfants à manifester contre nous. Maintenant, on va leur montrer notre force», aurait déclaré un membre d'Ançar Eddine à une agence de presse occidentale. Elle fait également parler un élément du MNLA confirmant l'attaque d'Ançar Eddine et annonçant une «réponse» qui aurait commencé par une attaque de la maison d'Iyad Ag Ghaly, chef d'Ançar Eddine qui est originaire de Kidal.

COMMUNICATION CONFUSE DU MNLA

Ces informations ont été démenties par Moussa Ag Attaher, porte-parole du MNLA basé à Paris. «Il n'y a pas eu d'accrochages cette nuit entre le MNLA et Ançar Eddine à Kidal. J'ai parlé ce (vendredi) matin au Comité exécutif du MNLA à Gao (ville du nord-est du Mali, au sud de Kidal) qui affirme qu'il n'y a pas eu d'échange de tirs. Nous savons qu'Ançar Eddine est en train de se regrouper autour de Kidal, dont ils veulent faire leur quartier général». Ce «démenti» semble aller dans la logique d'une communication confuse du MNLA au sujet de la rupture ? ou non ? avec Ançar Eddine au sujet du projet de fusion. La communication du MNLA est tout, sauf claire. Après que le BP du MNLA eut annoncé la fin des discussions avec Ançar Eddine, un communiqué daté du 4 juin, signé par le secrétaire général du MNLA, Bilal Ag Acharif Charif, a «rectifié» le message en affirmant que «l'accord de principe signé entre le MNLA et Ançar Eddine est en étude par les deux parties et qu'une commission sera mise en place pour son suivi afin de traiter les divergences relatives aux points pendants». Le secrétaire général du MNLA a annoncé dans la foulée la mise en place d'un «Conseil provisoire qui dirigera le pays dans la prochaine période et qui œuvrera à la mise en place d'un gouvernement d'union nationale». Même si le MNLA semble vouloir prendre ses distances, le texte du communiqué ne semble pas être celui d'une «rupture». Dans ce contexte trouble, le Canard enchaîné apporte du grain à ceux qui soupçonnent une intrusion des Etats du Golfe comme nouvel acteur de la déstabilisation du Sahel.

LA «GENEROSITE SANS PAREILLE» DU QATAR

Dans un article intitulé «Notre ami du Qatar finance les islamistes du Mali», il affirme que la Direction du Renseignement militaire (DRM), qui relève du chef d'état-major des armées françaises, dispose des renseignements sur le fait que les «insurgés du MNLA, les mouvements Ançar Eddine, Aqmi (Al-Qaïda au Maghreb islamique) et Mujao (djihad en Afrique de l'Ouest) ont reçu une aide en dollars du Qatar.». Selon le Canard enchaîné, les autorités sont «informées». «Au début de cette année, plusieurs notes de la DGSE ont alerté l'Elysée sur les activités internationales, si l'on ose dire, de l'émirat du Qatar. Et, sans vraiment insister, diplomatie oblige, sur le patron de cet Etat minuscule, le cheikh Hamad ben Kalifa al-Thani, que Sarko a toujours traité en ami et en allié. Les officiers de la DRM affirment, eux, que la générosité du Qatar est sans pareille et qu'il ne s'est pas contenté d'aider financièrement, parfois en livrant des armes, les révolutionnaires de Tunisie, d'Egypte ou de Libye». Le Canard enchaîné évoque un intérêt économique pour les richesses du sous-sol du Sahel et affirme que des «négociations discrètes ont déjà débuté avec Total».

L'UA DEMANDE L'APPUI DE L'ONU POUR UNE INTERVENTION MILITAIRE

Au plan régional et alors que la situation politique reste chaotique à Bamako, l'Union africaine compte demander «l'appui» de l'ONU pour une intervention militaire au Nord du Mali.

A l'issue d'une réunion tenue jeudi à Abidjan, des responsables des Nations unies, de l'UA et de l'Afrique de l'Ouest ont affiché «leur volonté d'œuvrer à la mobilisation rapide d'un appui adéquat des Nations unies». Une «requête formelle» de l'UA fixant le «mandat précis» d'une opération militaire destinée à rétablir l'intégrité territoriale du Mali sera formulée. Le communiqué publié à l'issue de la réunion a souligné également la «nécessité de mobiliser tous les moyens appropriés, y compris militaires», pour aider l'Etat malien à restructurer son armée et «appuyer les efforts visant à restaurer dans les plus brefs délais possibles son autorité sur le nord du pays, ainsi qu'à combattre les groupes terroristes», «criminels» ou autres «dont l'action remet en cause la stabilité et la sécurité du Mali et de la région». L'ONU, l'Union africaine et l'Afrique de l'Ouest ont exigé jeudi la dissolution «immédiate» de l'ex-junte malienne qui s'était installée après le putsch du 22 mars. Ils ont aussi exigé que les forces armées «se consacrent exclusivement, et sous l'autorité du président par intérim et du gouvernement, à leur tâche première de préservation et de défense de l'unité et de l'intégrité territoriales du Mali».