|
Envoyer à un ami |
Version à imprimer |
Version en PDF
C'est l'info du jour, de la semaine, de la décennie et des
50 ans d'indépendance: le FFS s'en va. Tombe en miettes, se démembre, chasse
ses militants, mange chez le régime. De partout dans le pays, les élites
algériennes suivent le feuilleton avec consternation, curiosité aussi: comment
a-t-on pu piéger le vieil homme aussi facilement, lui dont le parti a survécu à
deux guerres, la prison, les complots, infiltrations et coups de «Services» ?
Par quoi a-t-on pu attirer le bonhomme ? C'est que toute l'Algérie s'interroge
non sur l'avenir du FFS, ni sur les déclarations de ses disgraciés, mais sur
une seule chose: le deal. Supposé, imaginaire, réel ou pas, les Algériens
supposent qu'il y a eu un Deal entre le Régime et son plus vieux opposant. Tout
est alimentaire dans l'histoire nationale. Du coup, les grandes questions sans
réponse: que peut-on promettre à Hocine Aït Ahmed pour qu'il accepte de jouer
le jeu: une Omra ? Un pèlerinage ? Une villa avec 1.001 oliviers ? Une pension
à vie avec effet rétrospectif à partir de 1954 ? La moitié de la Kabylie en
lots de terrain ? Hamrouche comme Président ? On ne sait plus.
Brusquement, on comprend surtout qu'une époque est morte, celle où il y avait trois partis en Algérie: le régime, les partis du régime et le FFS. La dernière illusion est perdue et, pour certains, il faut tout refaire: fonder un nouveau parti, trouver une mère pour la faire accoucher d'un nouveau leader, etc. «Même Aït Ahmed !», soupire l'âme collective. Il ne reste donc rien que nous-mêmes, nos bras ballants et l'histoire nationale que l'on doit porter sur le dos ou en chewing-gum pour le cerveau. L'impact de la crise du FFS est immense en Algérie: pas seulement en Kabylie où on a voulu enfermer le vieux lion, mais ailleurs, de là où on regardait Aït Ahmed comme la preuve vivante que l'histoire nationale n'est pas une salissure, un repas, une compromission et la preuve qu'il était possible de faire la guerre de Libération, sans enlever la liberté des autres, ni leur argent, ni leur terre. Le symbole d'une vie nationale alternative à la rente et à la cupidité. Et voilà que ce mythe tombe à genoux et que le régime réussit à prendre la dernière citadelle, croit-on, dit-on, voit-on. Que s'est-il passé ? Comment a-t-on pu FLNiser le FFS ? «Ce n'est pas important», dit l'âme collective. C'est seulement la preuve que ce régime est fort, que le fatalisme est une logique saine. Possible mais pas viable. C'est peut-être, surtout, une bonne chose: voir clore cette époque, cette cartographie politique paralysante héritée des années 60 et ces mythes de confort idéologique. Maintenant que le FFS a basculé, autant donc choisir: refaire l'histoire nationale seul, pour soi-même et ses enfants; ou accepter la soumission et la défaite, partir ou s'asseoir. Le FFS a prouvé que l'on peut rester longtemps debout, sans tomber. Il suffit de faire mieux, les hommes du régime et leurs gardiens seront tous morts d'ici là. Ainsi posée, l'équation permet de rêver le rêve de Aït Ahmed sur lequel il vient de baisser les yeux. Mais en attendant, c'est triste, vraiment: le slogan, parfait, du FFS était «Lève-toi et regarde». Il est à relire, désormais: «Assis et tais-toi». C'est vous dire qu'on est seuls. Sauf qu'on est beaucoup, qu'on est jeunes et qu'on n'a pas besoin d'historiques pour faire l'histoire. |
|