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Le cours du baril
connaît une reprise alimentée par les incertitudes géopolitiques. Cela ne
masque pas pour autant la baisse tendancielle des cours observée ces derniers
mois et qui ramène le saharan blend algérien à son niveau d'il y a sept ans.
L'Asie maintient la demande mais les Etats-Unis ont cessé d'être un marché de
consommation pour devenir des concurrents directs des exportateurs
traditionnels. Cette évolution, entamée en 2011 selon une étude de la banque
Citigroup, pourrait bien être une mutation qualitative susceptible de
transformer en profondeur le marché mondial de l'énergie.
L'incertitude domine sur les marchés pétroliers, les craintes des impacts de l'embargo décrété par l'Union européenne sur les exportations iraniennes à compter de juillet prochain l'emportent sur l'actualité de la récession en Europe et des risques qui pèsent sur l'euro menacé par la sortie de la Grèce. Ainsi, le baril de «light sweet crude» (WTI) pour livraison en juillet a gagné 20 cents par rapport à jeudi, à 90,86 dollars sur le New York Mercantile Exchange (Nymex). A Londres, le baril de Brent de la mer du Nord pour livraison en juillet a terminé à 106,83 dollars sur l'Intercontinental Exchange (ICE), en hausse de 28 cents par rapport à la clôture de jeudi. L'incertitude nourrie par les difficiles négociations de Bagdad du groupe des 5+1 avec l'Iran ne masque cependant pas la réalité d'un marché caractérisé par l'abondance de l'offre et qui a entamé depuis plusieurs mois un lent mouvement de recul. Selon une synthèse de l'agence de presse Reuters publiée la semaine dernière, les prix du pétrole, en particulier des variétés «brut léger», ont retrouvé le niveau qui fut le leur il y a sept ans. Et si la demande asiatique, qui reste soutenue, ne venait pas compenser la baisse de la demande européenne et surtout américaine, les prix auraient connu une correction encore plus forte. EXPORTATEUR NET DEPUIS 2011 Cette surabondance de l'offre s'explique pour partie par le retour de la Libye, avec une production de 1,3 million de barils/jour (b/j) mais en effet surtout par une baisse de la demande qui combine le recul conjoncturel dû à l'atonie des économies européennes et une transformation structurelle aux Etats-Unis qui passent du statut d'importateur à celui d'exportateur d'hydrocarbures. Ce changement de statut de la première économie mondiale a été mis en perspective par une étude de la banque Citigroup publiée en mars dernier et intitulée : «Energie 2020, Etats-Unis, le nouveau Moyen-Orient ?». Selon cette étude, en 2011 et pour la première fois depuis 1949, les États-Unis sont devenus un exportateur net de produits pétroliers et devancent la Russie en tant que premier exportateur mondial de pétrole raffiné. L'explication la plus simple de cette remarquable évolution consisterait à la mettre sur le compte d'une demande plus faible et d'une économie peu dynamique dont l'activité nécessiterait moins d'énergie importée. Selon Citigroup, cette explication ne constitue que la «la moitié de la réponse». Certes, la demande aux États-Unis a chuté de près de deux millions de b/j depuis le pic de 2005 en partie du fait de la récession, mais aussi en raison de transformations structurelles imputables aux changements démographiques, aux politiques d'économie d'énergie et à la commercialisation massive de technologies moins gourmandes. Mais l'élément de réponse le plus significatif se situe du côté de l'offre. Les États-Unis sont devenus la zone de croissance la plus rapide tant pour la production de pétrole que celle de gaz au niveau mondial. Il faudrait ajouter à cela la production canadienne en croissance constante et un retour de la production mexicaine, l'Amérique du Nord affiche ainsi globalement un taux de croissance supérieur à celui de l'OPEP. CINQ SOURCES ADDITIONNELLES D'HYDROCARBURES Cinq sources additionnelles de croissance d'hydrocarbures pourraient faire de l'Amérique du Nord la plus importante source d'approvisionnement au cours de la prochaine décennie. Il s'agit de la production pétrolière issue des sables bitumineux au Canada, en eau profonde aux Etats-Unis et au Mexique, du pétrole extrait des schistes, du gaz naturel liquéfié (GNL) associée à la production de gaz naturel et, enfin, des biocarburants. Le total des productions de ces sources nouvelles pour l'Amérique du Nord dans son ensemble pourrait injecter sur les marchés mondiaux l'équivalent de plus de 27 mb/j vers 2020-22. La production de pétrole brut et de gaz naturel en Amérique du Nord pourrait doubler, passant à 26,6 millions de b/j en 2020 contre 15,4 millions de b/j en 2011. D'ici à 2020, la production de gaz naturel aux Etats-Unis et au Canada pourrait croître de 22 milliards de pieds cubes/j. La mutation en cours ne devrait pas faire sentir ses pleins effets avant deux ou trois ans selon les rédacteurs du rapport de la banque américaine. Mais selon ces derniers, la stagnation de la production Opep et non-Opep, la demande soutenue des pays émergents va probablement placer les pays exportateurs de l'Opep face à un dilemme. Ces pays sont confrontés à la croissance rapide de leur demande interne alors même qu'ils ne seront probablement pas en mesure d'augmenter rapidement l'offre. Ce qui signifie que les exportateurs traditionnels seront amenés à réduire leurs niveaux d'exportation dans un contexte où ils doivent faire face à des problématiques sociopolitiques complexes. EFFETS STRUCTURANTS Si de nombreux facteurs peuvent influencer conjoncturellement un marché global très sensible aux tensions géostratégiques, il reste en effet que la mutation de l'économie énergétique aux Etats-Unis aura des effets structurants. De consommateur avide d'hydrocarbures, l'Amérique du Nord passe au statut d'exportateur de premier plan et donc de concurrent direct des producteurs traditionnels. Il appartient donc à ces pays de tenir compte de cette nouvelle donne du marché et d'anticiper ses inévitables évolutions. |
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