Envoyer à un ami | Version à imprimer | Version en PDF

Les élections ont commencé : Vote historique en Egypte où le rôle de l'armée est en débat

par Salem Ferdi

Le premier jour de l'élection présidentielle -le scrutin se poursuivra aujourd'hui- a été marqué par des heurts entre les partisans de deux candidats devant un bureau de vote au Caire. Des gens ont utilisé des armes dans cette explication violente hors urnes et un policier, en faction devant le bureau de vote, a été mortellement touché à la poitrine. Un civil a été blessé à la jambe au cours de cet échange. Des sources sécuritaires affirment cependant que les premières indications montrent que l'incident n'est pas lié aux élections et que le policier n'était pas ciblé. Selon cette source, l'échange de coups de feu a eu entre des repris de justice à proximité du bureau de vote, et c'est en sortant pour déterminer ce qui se passe que le policier a été touché. Il est vrai qu'il s'agit du seul incident grave enregistré dans cette première journée, mais il est venu rappeler les inquiétudes qui taraudent les esprits en Egypte sur les risques de dérapages après l'annonce des résultats. On constatait, hier, dès les premières heures, une affluence appréciable des électeurs dans la plupart des gouvernorats pour départager entre les 13 candidats en lice. On s'attendait à un afflux plus conséquent dans l'après-midi.

300.000 SOLDATS ET POLICIERS POUR LA SECURITE

Un dispositif de sécurité dense a été mis en place par l'armée et la police pour sécuriser le vote. Quelque 300.000 soldats et policiers participent à la sécurisation du scrutin dans l'ensemble des gouvernorats. Le scrutin est supervisé par 14.509 magistrats et les résultats devraient être annoncés mardi prochain. Un second tour est prévu dans un mois si aucun candidat n'obtient plus de 50% des suffrages. De longues files d'attente se sont constituées. Pour de nombreux Egyptiens, en dépit des appréhensions, l'évènement est historique car ils participent à un scrutin où rien n'est joué d'avance. Le caractère indécis du scrutin crée un climat d'appréhension. Une victoire des candidats liés au régime, les «foulouls» comme Amr Moussa ou Ahmed Chafiq, risque de ne pas passer en douceur dans un pays qui n'a pas soldé encore les longues années Moubarak. D'où l'insistance du Conseil suprême des forces armées (CSFA) à ce que tout le monde «accepte les résultats». Le CSFA a réaffirmé par la même occasion sa neutralité en indiquant qu'il se mettait «à égale distance, en toute honnêteté et honneur, entre tous les candidats à la présidence».

MENACE D'UNE «NOUVELLE REVOLUTION»

C'est que sur les réseaux sociaux, des appels ont été déjà lancés à une «nouvelle révolution» dans le cas où l'un des «symboles» de l'ancien régime était élu. Le candidat officiel des Frères musulmans, Mohammed Morsi, a également averti qu'en cas de fraude, il risquerait d'y avoir une révolution. Mohamed Morsi, candidat de rechange de l'organisation des Frères musulmans, paraît très largement supplanté par Abdelmoneim Abdel Foutouh, un «dissident» de l'organisation qui est soutenu aussi bien par les libéraux que par les salafistes. Mais son propos traduit un état de méfiance tenace des principaux acteurs de la révolution à l'égard des militaires. Les jeunes activistes de la place Tahrir ont maintenu de manière constante la revendication d'un transfert du pouvoir aux civils, les Frères musulmans tentés par un arrangement ont fini par prendre leur distance et critiquent plus durement le CSFA. La neutralité affichée par l'armée est contestée par plusieurs candidats à la présidentielle qui l'accusent de rouler pour Ahmed Chafiq et, à défaut, pour Amr Moussa. Et le fait que le CSFA ait voulu introduire des dispositions supraconstitutionnelles pour se soustraire au contrôle du pouvoir civil et notamment du Parlement n'a pas arrangé les choses. Le résultat du scrutin présidentiel sera crucial pour l'armée qui cherche, même si elle s'en défend, à préserver un rôle dominant sur la scène politique du pays. Il est clair que pour les militaires, ce rôle sera plus facile à préserver avec Amr Mouss ou Ahmed Chafiq qu'avec les islamistes même si ces derniers savent qu'ils n'ont pas intérêt à aller dans une confrontation frontale avec eux. Il n'est pas inutile de rappeler que tous les présidents égyptiens, depuis la révolution en 1952, sont issus de l'armée: Gamal Abdel Nasser (1956-1970), Anouar Al-Sadate (1970-1981), à Hosni Moubarak (1981-2011). Avec cette élection, la présidence pourra, pour la première fois, être le fait d'un civil. Or, c'est aussi une des grandes incertitudes, les attributions du futur président ne sont pas encore définies. La question est en suspens. Elle sera au cœur de la négociation après élections.