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Une guerre moins certaine

par M. Saadoune

A la veille de la réunion - cruciale - de Bagdad avec le groupe des 5+1, le DG de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), le Japonais Yukiya Amano, a fait état d'un accord avec Téhéran. L'accord global butait principalement sur les réticences iraniennes à autoriser des inspections de l'AIEA sur la base de Parchin, suspectée par les Occidentaux d'abriter des expériences atomiques à caractère militaire.

Outre son timing, l'annonce a d'autant plus retenu l'attention qu'elle émane de Yukiya Amano, réputé proche des Américains et donc plutôt hostile à l'Iran. L'accord, qui devrait être signé prochainement, consiste en «une approche structurée visant à résoudre les questions en suspens sur le programme nucléaire controversé de Téhéran», a déclaré hier Yukiya Amano, à son retour à Vienne.

Qualifiant la décision de développement important, le DG de l'AIEA a précisé : «La dernière fois, j'ai dit : ?il y a eu du progrès', et cette fois je dis : ?il y a eu une décision'». Une étape nouvelle semble s'ouvrir, alors que la crise nucléaire empoisonne depuis plusieurs années les relations de l'Iran avec les grandes puissances occidentales qui soutiennent Israël. Ni les sanctions de plus en plus dures de l'ONU, ni les menaces de guerre brandies par Tel-Aviv et relayées par Washington n'ont empêché la mise en œuvre d'un programme que l'Iran a toujours présenté comme strictement civil.

L'annonce de l'accord a naturellement provoqué une réaction israélienne où se mêlent arrogance et intransigeance. Benjamin Netanyahu a réagi mardi en fixant des exigences qu'il sait inacceptables : «Suspension de toutes les activités d'enrichissement en Iran ; transfert en dehors d'Iran de tous les matériaux fossiles déjà enrichis ; démantèlement de l'usine de Qom». Cette position, aussi maximaliste que totalement irréaliste, n'est pas partagée par les alliés occidentaux d'Israël. Ni même par les membres de la coalition au pouvoir à Tel-Aviv. Le ministre de la Défense, Ehud Barak, admet quant à lui que l'Iran peut poursuivre ses activités d'enrichissement d'uranium jusqu'à 3,5%, taux nécessaire au fonctionnement d'un réacteur nucléaire, alors que les Américains se satisferaient de l'arrêt de l'usine souterraine de Fordo - Israël exige son démantèlement - et d'un niveau maximal de l'enrichissement d'uranium fixé à 20%.

Encore une fois, la question est de savoir si Israël peut imposer ses vues à son protecteur stratégique. Il est permis d'en douter, d'autant que la défaite à la présidentielle française de Nicolas Sarkozy, considéré à Tel-Aviv comme un fervent Likudnik, prive l'axe belliciste d'un allié très actif.

Ce qu'il faut noter positivement, c'est que le spectre de la guerre semble s'éloigner. Il est difficile d'imaginer ? alors que les dirigeants israéliens se piquent de «rationalité» - voir Israël se lancer, en solo, dans une aventure coûteuse et risquée aux conséquences imprévisibles. La crise économique européenne joue certainement dans la modération d'un discours occidental hier encore très va-t-en-guerre.

L'embargo sur le pétrole iranien est considéré par beaucoup d'analystes comme un facteur de renchérissement des prix susceptible d'enfoncer davantage dans la récession des économies fragilisées. Sur le fond de cet épineux dossier, la voie de la paix passe par la reconnaissance du droit de l'Iran à développer une industrie nucléaire civile. Ce n'est ni par les oukases ni par les menaces que la communauté internationale ? au sens plein du terme ? arrivera à un modus vivendi acceptable par tous. Mais la sagesse conduit-elle les affaires du monde ? La réunion qui s'ouvre à Bagdad donnera peut-être un début de réponse?